Regroupement de l’administration centrale
L’administration ne se contente pas d’imposer une réduction drastique des espaces de travail. Prisonnière de préjugés idéologiques fumeux, à rebours des retours critiques sur les expériences du flex et des open space menées dans le secteur privé, dans l’ignorance des métiers et des missions, elle tente de forcer nos collectifs à adopter un mode d’organisation du travail toxique au risque de détériorer les conditions d’exercice.

Enfin les masques tombent ! Cela fait 18 mois que la CGT interroge l’administration sur les projets d’aménagement des locaux du futur site de regroupement. Y aura-t-il du flex office et des open spaces ? Depuis 18 mois, l’administration esquive, assure que les locaux seront adaptés aux besoins et que c’est la raison pour laquelle elle interroge les agents, organise des ateliers d’expression des besoins. Mais hier, mardi 8 avril, en groupe de travail sur le site Allende de Gentilly, l’administration a bien dû le reconnaître : oui, les aménagements sont conçus à partir de plateaux ouverts et le flex office serait généralisé. Vous n’osez pas y croire ? C’est bien le sens du message adressé hier par le secrétaire général (voir ci-dessous). Voici l’image présentée hier en GT une première projection d’un espace pour 130 personnes avec seulement 99 postes de travail :

Flex office généralisé : 1700 postes de travail pour 2300 agents
L’administration a commencé par nous détailler pendant deux heures les services communs qu’elle allait proposer en rez-de-jardin et rez de chaussée. N’en jetez plus, les salles de réunions sont foison (auditoriums et tenez-vous bien « business center »), salles de sport, d’activités, salles de formation réutilisables en salle de réunion. Restaurant type self et restaurant avec service à table. Deux cafeterias. Très bien. Mais deux plateaux entiers sont consacrés aux services communs… et réduisent d’autant les surfaces allouées aux bureaux. Quelle surface restent-il pour faire des bureaux ? Les organisations syndicales ont posé la question, l’ont répétée, répétée encore : l’administration se défile et ne donne pas de chiffres, sans doute pour éviter tout contre-scénario. Nous avons refait les calculs à partir des surfaces par étage données en décembre dernier : il devrait rester environ 27 000 m² soit un peu moins de 11,25 m² de SUB par agent. Pour rappel, la SUB inclut les couloirs, globalement c’est la surface des plateaux hors poteaux et ascenseurs. On sera serrés à Gentilly, c’est inévitable. Mais la généralisation du flex n’est pas forcément une fatalité !
L’administration envisage d’installer 1700 postes de travail pour 2300 agents. A noter que le cabinet des sports et le BDC conserveraient eux leur bureaux attitrés. Pour les autres, c’est flex office obligatoire et pratique du clean desk : chacun range ses affaires le soir dans un casier qui est son seul espace de personnalisation. L’administration avance un taux d’occupation de 56% en prenant en compte le télétravail, les congés et les vacances de poste. Elle propose donc magnanime un ratio de partage des postes de 0,74. Elle se justifie en répétant que sa position reste très mesurée par rapport au cadre de la circulaire Borne du 8 février 2023 qui propose d’aller jusqu’à un ratio de 0,6. Son option est tellement mesurée qu’elle propose une révolution totale : l’encadrement devra se fondre dans la masse et n’aura plus non plus de poste de travail attitré.
L’administration poursuit son raisonnement en précisant que les 2300 agents auront à leur disposition jusqu’à 3200 « positions de travail » au sein du bâtiment : elle envisage 1100 positions de travail alternatives. En effet dans la fameuse circulaire Borne, l’agent est amené à changer de place de travail tout au long de la journée (et sans compter les salles de réunion des espaces communs). Autrement dit, comme vous venez au travail pour être en réunion, pas besoin d’avoir tous un bureau ! En cas de regroupement d’équipe, ceux qui n’ont pas de place dans l’open space pourront s’installer dans les espaces annexes. Pour la CGT, c’est une façon indigne d’envisager nos modes de travail ! Surtout dans l’exemple ci-dessus on a au final 177 positions de travail proposées pour 130 agents et seulement 99 postes de travail : d’autres aménagements sont donc possibles, avec moins d’espaces annexes !

Des espaces ouverts pour tous : open space partout, respect nulle part !
La modernité, c’est l’ouverture. Finis les bureaux individuels mais aussi : finis les bureaux fermés. C’est exactement ce que l’on voit sur la première image avec la projection Le SG nous l’a d’ailleurs affirmé, flex et open space vont de pair : « Mais ça n’a aucun intérêt de faire du flex, si on n’est pas sur des plateaux ouverts ! » Nous avons beau lui mettre sous le nez l’expérience ratée du site Rives de Paris où les collègues ont réclamé portes et cloisons, il n’en démord pas : « Mais c’est vers ça que vont toutes les administrations, toutes les entreprises ! » Il y aurait même eu un reportage sur France Inter mardi matin sur les nouveaux bureaux à La Poste qui en vanterait les merveilles et la capacité d’adaptation des agents. Nous lui avons opposé le retour très problématique des aménagements flex et ouverts de l’équipe d’appui du SG que nous avions détaillé lors du dernier CSA qui a conduit son adjointe à écrire aux agents pour tenter de proposer des solutions de contournement en cas de « trop plein émotionnel » lié aux espaces ouverts. L’administration s’entête quand même.
Visite vidéo des espaces innovants flex et ouverts de l’équipe d’appui
Une idéologie de la modernité déjà has been – Colliers, ses HWoW journées et notre riposte SHeeT
Car il faut bien le dire : les espaces ouverts font beaux sur les photos mais ils représentent une très forte dégradation des conditions de travail des agents. Comment travailler avec de la documentation quand on n’a à sa disposition qu’un poste de travail vide sur lequel on vient clipser son ordinateur ? Comment se concentrer dans un environnement mouvant, nombreux ? A quoi bon abattre les cloisons et ouvrir tous les espaces sur les circulations ? Si l’objectif est d’avantage de transversalité, tout ouvrir est paradoxalement le meilleur moyen de couper la communication informelle : dans l’open space, le silence est la règle nécessaire pour éviter le bruit. Autrement dit, on ne se parle plus spontanément ou on chuchote discrètement pour éviter de déranger. C’est le retour de toutes les expériences sur le sujet. Il faut déporter les conversations, les points de travail informels dans des espaces annexes (bulles, box, tisanerie, mini salles de réunion).
Au fond, le projet Poiscaille est aussi performatif que la circulaire Borne. Le texte énonçait en 2023 : « les configurations traditionnelles tertiaires caractérisées par le cloisonnement des bureaux (…) ne sont plus adaptés aux nouvelles modalités d’organisation du travail ». Il faudrait multiplier les espaces innovants pour se caler sur les nouveaux modes de travail : travail en mode projet, travail agile, hybride, collaboratif et transversal. Quiconque connaît le fonctionnement réel de l’administration sait à quel point ce texte est performatif et prescrit une transformation des modes travail par le levier des aménagements de l’espace, bien plus qu’il ne ferait qu’y répondre. C’est l’objectif assumé de l’administration qui veut non pas répondre aux besoins des agents, des équipes et des directions mais faire des locaux un levier (violent !) de transformation des modes de travail. On propose de raccourcir les circuits de parapheurs et de faire confiance aux équipes : l’administration leur retire leurs bureaux et leur refuse toute personnalisation d’espace. Mais nous marcherons gaiement sur la voie de la « start up administration » dont le site de Gentilly serait la vitrine.
Pourtant tout cloche dans ce projet : les agents assurent de plus en plus d’animation de réseaux et ont constamment des réunions en visio ou des appels téléphoniques. On les met en plateau et ils devront s’exiler constamment pour toutes les activités bruyantes. Et contrairement à ce que nous vend Colliers, le cabinet de conseil qui accompagne l’administration sur ce projet, le télétravail est déjà un mode d’organisation du travail qui fonctionne, auquel nous sommes déjà bien habitués et rôdés. Il n’y a pas lieu d’inventer une soi-disant « hybridation » des modes de travail. Pourtant, c’est tout le discours de ce cabinet qui irrigue les propositions de l’administration. Nous vous invitons à découvrir en PJ leurs HWoW journées « le mode de travail de demain » selon Colliers (Hybrid ways of working). On y nage en plein fantasme et loin des réalités de notre quotidien de travail. La CGT riposte et s’improvise cabinet de conseil international et propose les journées SHeeT qui transposent votre quotidien dans les open space et le flex. Imaginez, demain est déjà en vous !

Vous ne voulez ni des journées HWoW, ni des journées SHeeT ? C’est le moment de se mobiliser !
Nous ne sommes pas des cobayes de la nouvelle doctrine de l’immobilier public. Nous refusons d’essuyer les plâtres sous couvert de vitrine moderne de l’éducation nationale. Nous avons le droit à des locaux dignes qui correspondent à nos modes de travail, nos métiers, nos cultures professionnelles, qui répondent aux besoins des agents et des équipes. Nous refusons que notre santé et nos conditions de travail soient sacrifiées !
La CGT a proposé différentes actions à l’intersyndicales (AG, pétition, rassemblement). Nous vous tiendrons au courant dès que possible. Nous devons agir ensemble face au rouleau compresseur de l’administration !
N’hésitez pas à relire et diffuser notre brochure argumentaire sur les locaux innovants
NOUS REVENDIQUONS
– Des conditions de travail qui garantissent la santé et la sécurité des agents
– Laisser les équipes déterminer les aménagements : que le SAAM abandonne son cadrage autoritaire des espaces et respecte les besoins des directions, des collectifs de travail et de nos métiers
– Arrêter le chantage qui nous enjoint de choisir entre espaces collectifs (salles de réunion, bulles de concentration) vs. bureaux classiques : nous n’avons pas à renoncer à travailler dans des conditions dignes !
– Pas de flex office imposé : les agents ont droit de s’approprier leur espace de travail
– Refus des espaces ouverts : un couloir n’est pas un bureau (et une cantine n’est pas un bureau non plus !)
– Non aux open spaces : 4 dans un bureau, c’est un maximum !