Nouvelle étape : des ateliers vont être organisés dans chaque département pour définir les besoins des équipes. Attention, vos remontées sont importantes : derrière l’aménagement des locaux se cache le spectre du flex-office.
Le calendrier du projet de regroupement immobilier des sites de Dutot, Regnault, Avenue de France, Vanves et de la DNE semble continuer à avancer inexorablement. Et pourtant, après le refus de la ministre de réviser le projet et de batailler avec Bercy pour une implantation dans Paris, l’administration ne donne pas vraiment de nouvelle de ses négociations avec la direction de l’immobilier de l’Etat et la direction du budget. La date de sélection du futur site, initialement fixée au 21 mai, a été dépassé et nous ne savons toujours pas si notre administration centrale va atterrir à Gentilly, Ivry, Charenton ou Bagneux – quoique l’option Charenton semble largement écartée.
En cette fin de mai s’ouvre cependant une nouvelle étape, celle de la consultation des agents sur les besoins en matière d’aménagement des nouveaux locaux. Après les questionnaires adressés aux agents sur les espaces collectifs et sur les pratiques de travail, l’administration organise une campagne d’ateliers de recueil des besoins des équipes bureau par bureau. Bien sûr la participation des agents à ces ateliers n’est pas formellement obligatoire mais la CGT invite les collègues à saisir l’occasion de ces discussions au cœur de chaque collectif de travail pour faire ressortir de façon précise les besoins spécifiques qui pourraient être les vôtres. Mais surtout la CGT invite les agents à se saisir de ces ateliers pour manifester le rejet du déploiement du flex office à l’administration centrale ! Car l’administration se garde bien de le dire, mais cette question de l’acceptabilité du flex office est bien celle qui est au cœur de ses ateliers et votre prise de parole pour subvertir le dispositif est + que cruciale. Nous comptons sur vous !
Toutes les explications sur les enjeux de ces ateliers vus par la CGT mais aussi des pistes de questions à introduire dans la discussion dans le message ci-dessous et en PJ.
Déménagement, resserrement… et promotion larvée du flex office
Un des enjeux très clairs de la nouvelle politique immobilière de l’Etat telle que définie dans la circulaire de la Première ministre du 8 février 2023 est d’utiliser le télétravail comme un levier de rationalisation des surfaces occupées par les services de l’Etat, autrement dit de profiter des absences des agents pour réduire les locaux. Implicitement, cette nouvelle politique immobilière de l’Etat repose sur la promotion du flex office. En très gros, l’administration serait tellement moderne dans ses méthodes de travail que désormais il faudrait en finir avec les bureaux attribués aux agents et transformer les espaces de travail pour les adapter : « au mode de travail hybride, aux besoins de transversalité, de coopération et de renforcement du collectif ». La CGT a déjà largement dénoncé les ressorts rhétoriques de ce texte, largement performatif, dans une administration qui freine des quatre fers sur le déploiement du télétravail !
Sur les dangers du flex-office, voir notamment :
- Notre analyse des premiers plans des travaux Horizon 2024 à Descartes
- Notre revue de littérature offerte en décembre dernier en intersyndicale au secrétaire général
Cet enjeu larvé du déploiement du flex office est particulièrement ressorti à l’occasion du premier atelier webinaire à destination des encadrants, organisé le 12 mars dernier qui s’est avéré être une véritable propagande pour les flex office et les open space. Même les chefs de bureau se sont alarmés du contenu proposé et nous ont fait remonter la vacuité de la présentation et le parti pris grossier en faveur des « environnements de travail dynamiques », censés « renouveler l’envie » des personnelsen « cassant le côté froid et monocorde » des locaux traditionnels (voir notre déclaration sur le sujet en CSA). L’alerte immédiate de la CGT au secrétaire général a permis un recadrage immédiat des séminaires de présentation / formation des encadrants dont le calendrier a été repoussé. Le secrétaire général a d’ailleurs dû convenir que le contenu proposé par les consultants s’est avéré largement décalé par rapport aux attentes de notre administration (d’où la nécessité d’une réflexion sur le recours au cabinet de consultants, même si c’est un autre sujet ! Voir notamment notre conférence avec Caroline Aguirre-Michel sur les consultants)
Cette promotion implicite du flex office ressort également du questionnaire adressé aux agents sur les pratiques et usages de travail à la mi avril. Il reposait sur une classification des activités dites individuelles et collectives dont la philosophie est de quantifier toutes les activités qui pourraient être sorties des bureaux. Il s’agit dès lors de proposer des espaces de travail alternatifs pour toutes les activités potentiellement bruyantes ou pour les activités nécessitant une concentration marquée (salles de réunion, espaces de convivialité, bulles de concentration). Dès lors, les réponses des agents sur les aménagements des locaux deviennent compatibles avec le développement du flex office puisque toutes les activités courantes peuvent être exercées dans des espaces en flex. C’est d’ailleurs un point structurant dans la proposition d’animation des ateliers qui a été faite aux encadrant et qui devrait structurer le déroulement des ateliers. La CGT vous appelle donc à la plus grande vigilance pour remettre en cause cette organisation de la réflexion sur les aménagements des futurs bureaux.
Pourquoi le flex office n’est pas une fatalité
Le ministère va donc choisir d’ici à la fin du mois de mai le site de la future implantation, malgré les alertes des représentants des personnels sur les implications du choix d’un site hors de Paris tant en termes d’images pour notre administration, d’attractivité que de rallongement des temps de trajet. Tous les sites retenus à ce stade de l’appel d’offres ont pour point commun de se présenter sous forme de plateaux totalement aménageables. Dès lors, la tentation est simple : et si le ministère faisait le bon élève et appliquait docilement les injonctions de la circulaire du 8 février 2023 en généralisant le flex office ? Cependant rien n’est encore acté et la généralisation du flex office pour tous n’est pas une fatalité. De fait, les sites peuvent aussi être aménagés en maintenant des bureaux de taille raisonnable.
D’abord les surfaces des différents immeubles proposés représentent certes une diminution des implantations (jusqu’à -8000 m² soit -22% pour le site de Bagneux) mais permettent des aménagements relativement classiques quoiqu’avec un très fort resserrement. C’est notamment l’expérience qui a été faite à Descartes dans le cadre du projet de réaménagement Horizon 2024. Initialement l’administration a présenté un projet d’aménagement proposé par le cabinet Parella, le spécialiste du déploiement du flex office. Celui-ci visait à casser de très nombreuses cloisons, supprimer les portes et généraliser les plateaux de 6 à 14 agents. Finalement les travaux menés (consultation des OS et ateliers avec les agents) ont permis d’aboutir à un nouvel aménagement avec le maintien de bureaux cloisonnés, même s’il va de pair avec un resserrement drastique puisque sont créés 130 postes de travail supplémentaires sur le site de Descartes.
Le fait de ne pas imposer partout open space et flex office est aussi une assurance donnée par le secrétaire général et la ministre de l’éducation. Lors de notre audience intersyndicale le 17 avril, la ministre a en effet admis que tous les aménagements des espaces de travail ne se valaient pas et que l’open space n’était pas une solution souhaitable, précisant « ce n’est pas ce qu’on vous demandera ». Le secrétaire général a lui convenu à plusieurs reprises que le projet n’était pas d’imposer le flex-office intégral aux équipes mais de présenter d’autres types d’environnement de travail pour voir si les équipes s’en saisissaient et s’ils pouvaient répondre à leurs besoins. Prenons-les au mot ! Il faut donc faire la démonstration que les modes de travail et d’organisation des équipes nécessitent d’autres formes d’organisation de l’espace que le flex office. Et là, les ateliers vont jouer tout leur rôle, exactement comme à Descartes les ateliers organisés avec les agents.
Quelques exemples d’aménagements : penser par le concret (espaces SG + Rives de Paris)
Pour mieux comprendre les enjeux concrets du flex office, nous vous proposons un raisonnement par l’exemple. L’équipe d’appui du secrétariat général a remporté un projet « Nouveaux espaces de travail au sein des bâtiments de l’État » pour financer le réaménagement de ses locaux au 1er étage du 110 rue de Grenelle. Le flex office y est la norme avec 23 postes de travail classiques pour 40 agents et la création de nombreux espaces de convivialité ou desserrement, bulles de concentration, petites salles de réunion. On y pratique le clean desk : dès que l’on quitte son poste de travail (chaque soir ou pour une réunion), on libère sa place en rangeant ses affaires personnelles et dossiers dans des casiers. Il n’y a donc pas de personnalisation possible des espaces.
Outre le prix exorbitant de ce projet (2 millions d’euros soit 50 000€ par agent !), la visite des lieux révèle plusieurs problèmes dans l’appropriation possible de ces locaux : espaces ouverts et rapidement sonores, postes de travail installés dans la circulation et ne garantissant ni calme, ni confidentialité, écrans quasi systématiquement visibles de tous. L’aménagement repose sur le parti pris de la « fluidité » des espaces et des modes de travail : parce que les lieux sont ouverts, les gens se verraient plus et communiqueraient davantage. Pourtant, c’est rapidement le contraire qui se passe : les lieux appellent à la retenue et l’autocensure, c’est-à-dire à ne pas parler pour ne pas déranger les collègues présents. Surtout tout ceci ne tient que par le développement massif du télétravail : quand les agents sont présents ensemble, il n’y a pas assez de postes classiques pour les accueillir (23 postes pour 40 agents), il faut donc se replier sur les espaces annexes (salles de réunion, bulles de concentration, cafétéria cuisine etc).
La démonstration est + évidente encore en image et la CGT vous propose un album photos pour découvrir les lieux et 4 vidéos très courtes de visite des espaces :
Les défauts constatés dans les aménagements des espaces de travail des équipes du SG se retrouvent largement dans les locaux Rives de Paris (Paris 14e limite Gentilly / ex site Pfizer) où les équipes de la DGRI sont logées en attendant la fin des travaux du site Descartes (voir album avant emménagement). On y constate également, sans le flex office cependant, le relatif entassement des collègues, le problème des espaces ouverts (les équipes ont notamment demandé des cloisonnements et le rétablissement des portes sur les couloirs ou ont demandé l’installation d’armoire pour couper les grands espaces). De même, la plupart des postes de travail sont visibles de tous et ne garantissent aucune sérénité aux agents qui sont toujours sous le potentiel regard des collègues ou de leur hiérarchie. Les espaces ouverts conduisent également à un auto-contrôle permanent du niveau sonore des discussions pour ne pas déranger les collègues (et tant mieux !) donc au final, la fluidité recherchée dans l’ouverture des espaces pour mieux faire circuler l’information ne fonctionne pas vraiment. Enfin les collègues soulignent tous qu’une telle densité d’installation n’est finalement possible qu’avec la soupape du télétravail et la plupart ont choisi de moduler leurs jours de présence sur site de façon à minimiser les taux d’occupation des grands bureaux. Bref les espaces sont modernes mais les collègues se croisent peu !
Faire remonter les besoins des équipes : quelques pistes
La CGT vous incite donc à avoir bien conscience du prisme au travers duquel les besoins des équipes en matière d’aménagement des locaux vont être lus et interprétés et qui est celui du potentiel déploiement du flex office que nous avons présenté dans les points précédents. Il ne s’agit évidemment pas de déformer l’expression de vos besoins mais de saisir l’occasion de ses ateliers pour s’exprimer explicitement aussi sur cet enjeu-là. La CGT invite donc les collègues à exprimer le plus librement possible leurs attentes, leurs besoins et leurs lignes rouges quant à l’organisation de leur espace de travail, tout en se positionnant clairement sur la question du flex-office (et des espaces ouverts). A titre illustratif (et non pas manipulatoire) vous trouverez ci-dessous un extrait des résultats des ateliers de réflexion collective qui ont été réalisés à la DGESIP sur l’aménagement des locaux et qui ont largement contribué à freiner le déploiement du flex-office (compte-rendu intégral des ateliers à retrouver en lien). Vous trouverez également en pièce jointe une proposition de trame complémentaire de questions à se poser et poser à l’occasion de ces ateliers.
Synthèse des ateliers de Descartes
Nous avons repris les synthèses des ateliers pour le réaménagement du site Descartes et souhaitons souligner des points saillants suivants qui sont des éléments qui peuvent aussi nourrir la discussion et les potentielles remontées :
« La priorité est clairement donnée aux espaces de travail: les espaces dédiés à la créativité, au repos, aux loisirs, etc. sont perçus comme secondaires voire suscitent une inquiétude sur le fait que leur création se fera certainement au détriment de l’espace dédié aux bureaux individuels »
« Les participants évoquent le souhait de concilier la flexibilité avec la personnalisation de son espace de travail (garder son fauteuil ergonomique, des objets personnels, etc.) »
« Un effort doit être fait sur la lumière, la température, l’isolation, l’insonorisation, l’accès au wifi, et l’hygiène des bureaux »
« Bureaux suffisamment grands : 180X80 minimum »
« Ces bureaux doivent avoir une capacité limitée à 3/4 personnes, voire moins, car ce serait la limite supportable pour concilier travail collectif et individuel »
« Les espaces de type ‘grands open space’ sont évoqués à plusieurs reprises comme des configurations rejetées »
« Les agents estiment que les espaces de travail partagés ne sont pas toujours synonymes de cohésion : il faut penser des espaces et usages prévus pour cela, voire une animation ad hoc (espaces de créativité, brainstorming) sinon cela reste sous-utilisé, comme en témoigne l’usage de l’Escale »
« Les salles de réunion de plus grande capacité et en plus grand nombre doivent être plus facilement réservables et également décrites plus précisément pour éviter la réservation de salles non adaptées »
« Les agents qui restent attachés à la préservation d’un bureau individuel donnent les justifications suivantes :
o tâches administratives lourdes (ex : réconciliation manuelle de tableaux excel avec des milliers de lignes)
o tâches nécessitant un fort niveau de concentration (ex : manipulation de données critiques type dépenses, lecture et rédaction de textes techniques, etc
o tâches nécessitant des équipements non mobiles (double écran, scanner à portée de main, etc.) sur des périodes plus ou moins longues (pouvant aller jusqu’à deux mois)
o missions comportant une part élevée de confidentialité (RH)
o besoin de s’isoler au calme pour les agents qui passent beaucoup de temps en réunions »
Piste de réflexion issue de la visite de Rives de Paris : mélanger les équipes pour éviter les saturations des jours de regroupement
Un autre élément intéressant qui est ressorti de nos échanges avec les agents de la DGRI qui ont déjà emménagé Rives de Paris est que le pari de regrouper les départements ou les équipes par spécialité dans des pièces à 4 ou 8 n’était pas forcément le bon choix. En effet, au vu de la configuration des locaux (les fameuses « tables de ping-pong ») les collègues choisissent de répartir leurs jours de télétravail pour ne pas être tous en même temps dans les espaces relativement resserrés que représentent les bureaux. Mais ce choix pose problème quand les équipes instituent un jour de présence commune (ce qui est plutôt une bonne pratique à encourager) : les bureaux sont plein et il est + compliqué de travailler. Si deux départements avaient mixé leurs implantations et coordonné leurs jours de regroupement, ces difficultés ne se retrouveraient pas (exemple : les départements A et B partagent les pièces 1-2-3-4 au lieu que les pièces 1-2 soient attribuées au département A et les pièces 3-4 au département B, ce qui permet que pour le mardi, jour de regroupement de A et le jeudi, jour de regroupement de B, les pièces ne soient pas complètement saturées). Cette pratique permettrait sans doute aussi de multiplier les contacts entre départements et de nourrir la fameuse « transversalité », censée être au cœur du projet.
Un impératif de transparence – communiquer sur le compte-rendu des ateliers
Un des points essentiels ce cette démarche de concertation tant vantée par l’administration repose sur les comptes rendus qui seront faits des ateliers. La CGT a invité l’ensemble des encadrants à transmettre aux équipes le compte-rendu des échanges tel qu’il remontera à la direction, voire à les soumettre à la validation de l’ensemble des participants avant transmission à vos supérieurs hiérarchiques. Cette transparence est essentielle pour garantir une vraie démarche d’intelligence collective, pour que les discussions ne se déroulent pas dans le vide mais aussi pour permettre aussi aux agents qui estimeraient ne pas avoir été entendus de pouvoir compléter ces remontées via d’autres canaux (les OS notamment). Les élu-e-s au CSA sont évidemment preneurs d’un maximum de retour des collectifs de travail pour mieux porter les besoins d’aménagement dans le cadre du dialogue social institutionnel.
La CGT va également demander à l’administration de s’engager sur la réalité de la concertation en précisant la manière dont elle traitera les retours des collègues dans les différents ateliers qui seront programmés. Elle va demander que l’ensemble des remontées par direction soient transmises au CSA pour permettre une vraie discussion de fond et la mise en évidence des besoins particuliers. Elle demande également que soient précisés à quels niveaux les arbitrages seront rendus en matière d’aménagement : bureau ? sous-direction ? direction ? secrétariat Général ? Si l’on souhaite que les collègues s’engagent dans cette démarche, il faut vraiment que les règles du jeu soient posées dès le départ et que l’administration s’engage à les respecter.
La CGT reste bien évidemment à votre disposition et celle de vos bureaux pour échanger sur le sujet !