Plan de sobriété énergétique : se les cailler ou agir vraiment ?

La crise climatique n’est plus une hypothèse mais une urgence face à laquelle il faut faire face. Mais après des années d’inaction et de retard, le gouvernement multiplie les prises de parole pour faire porter aux citoyens la responsabilité du changement, comme s’il suffisait d’une transformation des pratiques de consommation individuelles. Dernière déclinaison en date, le plan de sobriété énergétique annoncé le 25 juillet par une circulaire de la première ministre Elisabeth Borne et dont l’administration vient de nous présenter la déclinaison pour l’administration centrale vendredi 30 septembre en groupe de travail. La mesure phare ? Pas un grand plan d’isolation des bâtiments qui débute à peine mais faire baisser la température moyenne des locaux à 19°, soit en-dessous des recommandations de confort pour le travail sédentaire dans les bureaux. Encore une façon de faire peser sur les agents la responsabilité de la crise climatique au lieu d’agir vraiment ! Et on nous propose de réfléchir à des fermetures de bâtiments (congés imposés ?) et des bureaux nomades partagés (flex desk) pour anticiper la mise en place du télétravail 3 jours par semaine, pourtant toujours pas mis en place. Pour nous, c’est non !
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Des années d’inaction climatique : ça suffit !

Le 24 mai dernier, la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, nous invitait à revoir nos envois de mails qui seraient trop consommateurs en énergie. Cette soit-disant « écologie des solutions » a fait la joie des réseaux sociaux qui ont épinglé la communication gouvernementale : les petits gestes ne suffiront pas à sauver la planète ! Dans l’accord de Paris, la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici à 2030, un engagement qu’elle est loin d’avoir respecté. L’Etat a été condamné par deux fois pour inaction climatique :
par une décision du 19 novembre 2020 du Conseil d’Etat dite Grande Synthe
par une décision du 14 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris dans l’affaire dite du siècle
Les 27 ONG du réseau « Action climat » ont proposé un plan d’urgence au gouvernement avec des mesures d’accélération de la transition. Ils chiffrent à 25 milliards d’euros les dépenses annuelles de l’Etat ayant des conséquences néfastes pour l’environnement (notamment en soutien aux énergies fossiles).

Dès janvier 2020, la CGT s’est engagée dans le collectif « Plus jamais ça », une alliance écologique et sociale née de la volonté de syndicats et d’associations environnementales de défendre ensemble une vision profondément sociale et environnementalede notre société. Le collectif « Plus jamais ça » défend un plan de rupture et face à la crise l’urgence d’une taxe sur les superprofits. Bien évidemment la CGT partage les objectifs de sobriété gouvernementale mais elle appelle l’Etat à une action efficace et ciblée, en direction des principales sources de pollution (industrie, transport, agriculture) et non culpabilisatrice pour les ménages les plus précaires ou pour les agents du secteur public. Il faut aller bien au-delà des « petits gestes » !

Une circulaire Première ministre qui pose problème : 19° une température moyenne en dessous de la température de confort !

La circulaire de la première ministre du 25 juillet 2022 relative à la sobriété énergétique et à l’exemplarité des administrations de l’État est un modèle de vacuité politique. Malgré les enjeux, les réponses sont vagues. La première ministre invite son gouvernement à « proposer des plans ministériels de sobriété énergétique et d’exemplarité » sans en donner les grandes lignes ou leur garantir une enveloppe budgétaire ! Seule mesure mise en avant pour atteindre les 10% d’économie d’énergie : limiter la température des bâtiments publics à 19°.

Or cette mesure pose problème. Certes le code de travail ne définit pas de température minimale acceptable. Mais des recommandations ont été définies au niveau international. Ainsi, la norme NF X35-203/ISO 7730 relative au confort thermique considère les seuils :
– de 20 à 22 °C dans des bureaux
– de 16 à 18 °C dans des ateliers avec une activité physique moyenne
A 19°, le gouvernement fixe la température moyenne en dessous du seuil de confort… alors qu’il n’a pas supprimé l’exonération de taxation du kérosène ou les garanties à l’export qui subventionnent les énergies fossiles ! Il n’est pas acceptable de faire reposer le seul effort de réduction de consommation d’énergie sur les conditions de travail des agents !

Comment la température va-t-elle être mesurée dans les bureaux ? Nous avons appris que malgré les travaux de rénovation du chauffage, les différents systèmes de chauffage ne pouvaient être pilotés que par étage voire par bâtiment. Autrement dit, vue la mauvaise qualité d’isolation de nos bâtiments et au vu des différences d’exposition et d’isolation des bureaux, nous allons devoir faire face à des températures très disparates selon les bureaux.  Si les 19° sont une moyenne, quelle sera la température la plus basse acceptable ? L’administration propose d’éradiquer les radiateurs d’appoint pour que la mesure soit vraiment efficace. On comprend l’idée mais est-ce que l’administration a bien conscience que certains bureaux seront très difficiles à chauffer ?  Nous exigeons une garantie température sur tous les bureaux où les radiateurs d’appoint seront supprimés !

Miser sur la culpabilisation : le tout faux du plan de la communication gouvernementale (et administration centrale !)

Nous l’avons dit : promouvoir des « petits gestes » ne suffit pas. Ils peuvent donner bonne conscience en permettant des réductions de consommation à la marge, évidemment toujours bienvenues… mais très loin d’être suffisantes. Ainsi le plan de l’administration prévoit une campagne de communication : « Je débranche les chargeurs que je n’utilise pas. » « Je prends les escaliers plutôt que l’ascenseur quand c’est possible. » « Je vérifie d’avoir éteint les lumières quand je quitte mon bureau. » Au fond, cette communication revient à faire porter la responsabilité de la crise climatique sur les agents alors même que les gestes individuels ne suffiront pas et que les principales sources de pollution sont dans l’industrie, les transports et l’agriculture ! Est-il raisonnable de proposer aux agents de prendre l’ascenseur plutôt que l’escalier ? Voilà que l’administration se préoccupe de notre santé cardiovasculaire… alors même qu’elle est incapable de mettre en place un vrai plan de prévention de la souffrance au travail ! De qui se moque-t-on ?

Bien sûr nous devons tous prendre notre part et participer à l’effort collectif, donc oui bien sûr nous veillons à éteindre les lumières et nos écrans. Mais il est de la responsabilité du gouvernement de proposer un plan de sobriété énergétique ambitieux. Nous attendons donc un vrai plan d’isolation de l’ensemble des bâtiments du parc du ministère. On nous vend le lancement d’une isolation sur le site de Descartes, une isolation à terme du site Dutot (horizon 2026) mais quid du site Grenelle ou Regnault ? quid des autres sites de l’administration centrale ? L’administration nous vend également une optimisation des performances du système de chauffage mais les travaux engagés depuis 2011 n’ont permis qu’une baisse de la consommation d’énergie de 13% en 11 ans, alors que l’administration escompte une baisse de 10% grâce à la réduction des températures… Ce n’est pas aux agents de payer pour l’inaction gouvernemenale !

Derrière le plan de sobriété : flex desk et congés imposés ? Pour nous, c’est non !

Comme vous le savez, le MENJ / MESRI / MSJOP n’a toujours pas mis à jour sa réglementation sur le télétravail. Nous attendons donc toujours une déclinaison locale administration centrale qui permettrait les jours flottants et notamment la possibilité de demander trois jours de télétravail. Or voici que l’administration nous annonce le « lancement d’une réflexion » sur « l’impact du télétravail sur l’occupation de nos locaux (perspective du passage à trois jours) ». Autrement dit l’administration envisage déjà de faire des économies sur le dos des agents, alors même que les possibilités de télétravailler restent encore trop réduites… Quelle indécence ! Derrière cette phrase d’apparence anodine, il y a une menace très nette : la possibilité pour l’administration de ne plus attribuer de bureau fixe aux collègues qui demanderaient à télétravailler 3 jours par semaine. C’est la porte ouverte au « flex desk » ou bureau flexible, des bureaux partagés nomades sur lesquels les télétravailleurs viendraient parfois s’installer. Pour nous, c’est non ! Plus de bureau fixe, plus de réversibilité du télétravail, plus d’espace à soi sur site. Déshumanisation des locaux, absence d’appropriation de l’espace de travail, expropriation symbolique des agents de leur outil de travail. Ou comment faire des économies sur le dos des agents. La CGT s’est très fermement opposée à la mise en place de ce type d’installation autant dans les discussions nationales qu’à l’administration centrale.

L’administration propose également, sous couvert toujours d’économies d’énergie, de réfléchir à des fermetures temporaires de certains bâtiments en période de faible activité (semaine Noël/nouvel an par exemple) ou le regroupement sur les principaux centres de décision pour maintenir la continuité de service. Derrière se profile potentiellement des congés imposés… Là encore : pour nous, c’est non !

Vous nous trouverez un peu facétieux, mais si à la CGT on éteint les lumières et on débranche nos chargeurs quand on quitte une pièce, on vous met une pièce jointe avec notre série de visuels « plan de sobriété énergétique » qu’on vous invite à retrouver sur notre fil facebook, instagram ou twitter !

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