Quand l’exemple vient d’en haut

Voilà que nous apprenons par voie de presse qu’une enquête de l’IGESR vise les pratiques managériales au sommet de notre ministère : cinq sources ont révélé à l’Agence France-Presse (AFP), samedi 15 janvier, que Nathalie Elimas, secrétaire d’Etat chargée de l’éducation prioritaire, faisait l’objet d’une enquête administrative. Elle serait accusée d’avoir harcelé des collaborateurs au sein de son cabinet.
Pour + de détails voir notamment : https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/01/15/enquete-administrative-sur-la-secretaire-d-etat-nathalie-elimas-accusee-de-harcelement-dans-son-cabinet_6109654_3224.html

La CGT n’a de cesse de dénoncer les pratiques de harcèlement au travail qui sévissent d’un service à l’autre de notre administration centrale. Mais comment les faire cesser si l’exemple vient d’en haut ? Il est grand temps de bannir ces pratiques et de repenser de manière radicale les pratiques d’encadrement et d’organisation du travail. Le travail ne doit jamais peser sur l’état de santé physique ou mentale et l’employeur a la responsabilité de prévention les situations de souffrance au travail. C’est une des raisons pour laquelle nous avions invité la sociologue Danièle Linhart à participer à notre cycle de conférence sur la souffrance au travail. Retrouvez la vidéo de son intervention sur notre chaîne youtube !

Le suicide de notre collègue de la DGRH, sans doute pour des raisons professionnelles, nous a tous profondément marqués. Une enquête du CHSCT est en cours. D’autres enquêtes ont été commandées récemment : sur le bureau SAAM D4, sur le bureau DGESCO A2-3, sur le département DAF-DCISIF pour ne faire état que de celles dont nous avons écho. Elles font suite à de nombreux audits sur le fonctionnement de l’administration centrale, notamment sur le fonctionnement de la DGESIP, de la sous-direction DAF C, sur les réorganisations de la DGESCO et de la DNE, sur la fonction juridique au sein de l’administration centrale etc. Et des alertes pour souffrance au travail nous remontent de toutes les directions ! Ça ne peut plus durer !

La CGT Educ’action administration centrale a fait de la lutte contre la souffrance au travail son chantier prioritaire et fait plusieurs propositions à l’administration pour changer de méthode sur la prévention des situations à risque et sur la prise en charge des alertes.

A minima, la CGT revendique :

  • La mise en place d’indicateurs de climat social déclinés par direction et service permettant de déterminer les services à risque
  • L’application des préconisations des rapports des IG pour prévenir les organisations du travail pathogènes
  • La nomination d’un référent « souffrance au travail » à temps plein
  • La création d’une cellule d’enquête ad hoc hyper réactive pilotée par le référent dès signalement d’une alerte
  • La fin de l’impunité pour les harceleurs
  • L’accompagnement au plus près des agents en souffrance

La CGT exige l’application des dispositions législatives et réglementaires qui protègent les agents en cas de harcèlement moral dans l’exercice de leurs fonctions. Nous rappelons que depuis la loi de modernisation sociale de 2002, ce droit est inscrit dans le statut de la fonction publique. L’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 dispose ainsi qu’ « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »  La CGT demande également que la circulaire du 27 février 2007 relative au harcèlement moral au travail soit appliquée : pour l’administration centrale, elle fait du chef de service du SAAM l’interlocuteur en cas de signalement de cas de harcèlement qui doit sans délai conduire une enquête administrative pour établir les faits puis prend toutes les mesures appropriées pour faire cesser la situation. Il ne nous paraît plus possible de passer par des missions d’audit de l’IGESR dont les délais sont beaucoup trop longs pour faire face à des situations d’urgence : trop souvent il faut attendre 4 à 6 mois entre le lancement de l’alerte et les retours de l’enquête. Il n’est plus possible que la seule sortie de crise soit le changement de poste de l’agent victime et que la responsabilité de sa recherche d’un nouveau poste lui incombe, comme cela est la pratique aujourd’hui. La circulaire de 2007 est d’ailleurs formelle : « Il convient enfin de rappeler que les affaires de harcèlement moral ne peuvent être réglées par la mutation de la victime. Ce moyen ne doit être utilisé qu’en ultime recours et à la demande de celle-ci. » Enfin, il faut en finir avec l’impunité des harceleurs, qu’ils soient encadrants ou non, il appartient de fait à l’administration « d’engager des poursuites disciplinaires si le harcèlement est établi ». Enfin la circulaire du 4 mars 2014 relative à la lutte contre le harcèlement dans la fonction publique précise que les faits de harcèlement sont « susceptible(s) d’ouvrir droit à la protection fonctionnelle ». Nous demandons à ce que les agents victimes de harcèlement puissent bénéficier de la protection fonctionnelle, dès lors qu’ils en font la demande.

La CGT a rencontré le chef du SAAM et ses équipes lundi 10 janvier. Même si la pratique va demeurer de commander des enquêtes auprès de l’IGESR en cas de signalement, le SAAM a convenu de la nécessité d’une étape de pré-enquête au niveau des services administratifs, permettant de prendre la mesure des faits et de déterminer la procédure adéquate. Le SAAM a également intégré à son projet de plan d’action « Egalité diversité » un volet de lutte contre les situations de harcèlement moral. Ainsi l’action 21 s’intitule : « Renforcer et faire connaitre le dispositif de signalement, de traitement et de suivi des violences sexuelles et sexistes, des harcèlements et des discriminations ». Ce plan d’action a été présenté en groupe de travail et fera l’objet d’un examen en comité technique. D’ores et déjà l’administration entend s’engager à :

– Faire un état des lieux des dispositifs et procédures de traitement des situations de harcèlement et définir des perspectives d’évolution notamment en termes d’accompagnement

– Assurer la communication sur ces dispositifs
– Former l’ensemble de l’encadrement supérieur dès 2022 à la prévention et à la lutte contre les discriminations, les actes de violences, de harcèlement moral ou sexuel et les agissements sexistes et 80% de l’encadrement intermédiaire

– Etre exemplaire dans le traitement disciplinaire des cas de discrimination et harcèlement

– Etablir un protocole de suivi et d’accompagnement des victimes présumées

Bien sûr toutes ces actions vont dans le bon sens. Mais l’ensemble reste encore très flou et les bonnes intentions doivent se traduire en actes forts ! On ne peut que s’étonner que c’est par l’entrée de l’égalité femme / homme qu’est mis en place ce plan de prévention du harcèlement moral au travail. Il est nécessaire, pour la CGT, de traiter les deux chantiers de façon prioritaire mais aussi de ne pas les mélanger ! Alors que les situations de souffrance au travail se multiplient, que la parole des collègues se libère, il est plus que jamais nécessaire d’agir et d’agir vite pour faire cesser ces pratiques et protéger les victimes ! La CGT maintient ses revendications d’un plan d’actions et de moyens humains dédiés à la lutte contre la souffrance au travail.

La CGT poursuit son cycle de conférence sur la souffrance au travail :

  • Mardi 11 janvier : La CGT recevait Danièle Linhart, sociologue du travail, qui est intervenue sur l’histoire des transformations du monde du travail depuis les années 1960 et leurs conséquences pour les salariés en terme de rapport au travail. Retrouvez la vidéo son intervention sur notre chaîne youtube !
  • Lundi 7 février à 12h30 : à vos agendas !  visioconférence débat avec Lise Gaignard, psychologue du travail et auteur de Chroniques du travail aliéné aux édition d’Une.