Un premier accord collectif signé en centrale pour solutionner la situation des enseignants

Historique ! Les organisations syndicales viennent de signer un accord collectif majoritaire avec l’administration pour solutionner la situation des enseignants affectés en administration centrale. La CGT avait proposé en décembre dernier avec le SNPTES cette solution innovante pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouvaient nos collègues enseignants et a réussi à convaincre l’adhésion la majorité des syndicats et l’administration. C’est la première fois qu’un tel accord est signé dans notre administration centrale et ce n’est peut-être pas la dernière ! Nous pourrons sans doute reproduire la méthode pour garantir de nouvelles avancées pour l’ensemble des agents. A suivre…

L’affaire est technique et pointue mais elle reste intéressante pour l’ensemble des personnels de notre ministère. Quelques éléments d’explication !

Décembre 2020 : une annonce inattendue et problématique, la fin des affectations d’enseignants en administration centrale

Au détour de la lecture des annexes de la note de service du 11 novembre 2020 publiée au BO  du 3 décembre dernier les enseignants ont découvert un bouleversement des conditions statutaires de leur accueil en administration centrale. L’annexe 1 de cette note de service, liée à la mise en place du système de gestion RH RenoiRH, imposait en effet dans sa partie V le détachement dans des corps administratifs et ITRF des enseignants exerçant leurs fonctions dans les services administratifs.

La CGT a combattu dès son annonce ce dispositif, en défendant le principe que notre administration a besoin de l’expertise des enseignants : nous avons besoin des corps métier pour faire vivre nos missions de service public. L’administration a maintenu ses positions malgré la très forte mobilisation des collègues avec une pétition signée par plus de la moitié des agents concernés ! Rapidement nous avons compris que le problème est principalement technique : la gestion des corps enseignants dans le nouveau logiciel de gestion des ressources humaines (RenoiRH) n’a pas été prévue et l’intégration des corps enseignants dans RenoiRH d’ici à son lancement en janvier 2023 n’est pas réalisable au vu des délais (et de l’absence de volonté politique et budgétaire !). Nous l’avons dénoncé maintes et maintes fois. L’informatique ne doit pas présider à la façon dont sont traités les agents !

Sur l’appréciation de ces dispositions, la CGT n’a absolument pas changé de position : cette annonce maltraite les agents ! En revanche, nous ne pouvons que prendre acte du refus de l’administration de revenir sur sa position et des difficultés techniques réelles qui vont se poser à partir de janvier 2023 pour l’accueil des collègues enseignants. En l’absence de gestion dans un SIRH, ils ne pourront être payés, notamment pour la partie indemnitaire de leur salaire. Nous souhaitons donc faire face à cette réalité et avons tenté de trouver la meilleure solution possible : il fallait sortir de cette impasse par le haut !

Sortir par le haut : la proposition d’un protocole d’accord pour garantir la situation des situations des enseignants

Comme elle l’avait annoncé fin octobre, la CGT aconsulté son service juridique national et un cabinet d’avocat spécialisé en contentieux public. La réponse de notre conseil a malheureusement été claire : les arrêtés d’affectation des collègues ne tiendront pas face à la décision de l’administration de ne plus les accueillir sur des fonctions administratives, dans le respect de la lettre de leur statut : le fonctionnaire est titulaire de son grade, mais non de son emploi.

Notre conseil nous a cependant recommandé de proposer à l’administration la signature d’un protocole d’accord sur la situation des enseignants affectés en administration centrale. En effet l’administration a inscrit dans les lignes directrices de gestion (LDG) des éléments de garantie de stabilité de parcours des collègues enseignants au sein de l’administration centrale, malgré leur détachement. Mais la nature juridique des LDG pose question : ces LDG sont modifiables à tout moment par l’administration, après simple consultation du CTAC. Autrement dit, elles ne gravent pas dans le marbre les garanties que nous avons pu obtenir. En revanche, s’il est signé par la majorité des représentants des personnels et par l’administration, un accord collectif a un caractère juridiquement contraignant : c’est une nouveauté issue des ordonnances de février 2021. Il engage l’administration et lui est opposable, c’est donc un texte de nature à nous offrir des garanties sérieuses.

La CGT a donc proposé avec le SNPTES le lancement de discussion en vue de la signature d’un protocole d’accord sur la situation des enseignants affectés en administration centrale via une motion présentée auCTAC du 10 décembre, la CGT et le SNPTES ont présenté une motion demandant l’ouverture de cette négociation qui a obtenu une majorité au CTAC (CGT, SNPTES ? CFDT, ASAMEN – abstention UNSA et vote contre FO). L’administration a accepté cette proposition et acté le lancement de discussions.

Offrir un maximum de garanties de stabilité aux enseignants préalablement affectés en administration centrale

L’enjeu de la négociation était d’offrir un maximum de garanties pour stabiliser la situation de nos collègues enseignants préalablement affectés en administration centrale : la position de détachement est potentiellement précaire puisque l’administration peut refuser un renouvellement ou mettre fin à tout moment au détachement avec un faible préavis. L’intégration quant à elle est une remise en cause de l’identité professionnelle de nos collègues et de leur potentiel droit au retour en établissement. Par ailleurs les possibilités de promotions sont souvent plus intéressantes dans les corps enseignants.

Si la situation de détachement n’est pas celle que nous souhaitions, la discussion avec l’administration a permis d’obtenir deux garanties pour transformer cette position statutaire précaire en une position statutaire la plus pérenne possible :

  • Un détachement sans limitation de durée : le détachement des enseignants s’opère par détachement pouvant aller jusqu’à 5 ans ce qui est la durée de détachement la plus longue que peut prononcer l’administration et il peut être renouvelé plusieurs fois sans limitation de durée
  • L’administration renonce à son droit de mettre fin au détachement de l’agent : les LDG disposent ainsi au sujet des enseignants affectés en administration centrale « il n’y sera mis fin à leur détachement qu’à leur demande »

L’intégration dans les corps de la filière administrative et ITRF est rendue possible à tout moment et est de droit ; la hiérarchie ne peut s’y opposer. Les conditions de détachement ou d’intégration se font dans les corps comparables : pour les corps des certifiés / PE / PLP : l’accueil se fait à grade équivalent dans le corps des attachés, ainsi en classe normale = AAE, hors classe des corps enseignants = attaché principal, classe exceptionnelle = hors classe des attachés. Pour le corps des agrégés, l’accueil se fait dans le corps des IGR : classe normale = IGR classe normale, hors classe des agrégés = IGR 1ère classe, classe exceptionnelle des agrégés = hors classe des ITRF. Kes sommets de grade sont équivalent dans chacun des corps qui sont effectivement comparables (la hors classe des attachés culmine à l’échelon spécial HEA3 comme la classe exceptionnelle des corps certifiés / PE / PLP et la hors classe des IGR culmine en HEB).

La discussion a permis également d’éclaircir les mécanismes administratifs qui régissent la « double carrière » : les promotions acquises dans le corps d’origine sont automatiquement rebasculées dans le corps d’accueil. Ainsi les promotions de grade sont largement acquises à l’ancienneté dans le cadre des carrières des enseignants et donc plus favorables que dans les corps des attachés et des IGR. La « double carrière » garantie dans le cadre du détachement demeure ainsi la meilleure option pour continuer à bénéficier d’un déroulement de carrière le plus favorable possible dans les corps des attachés ou des IGR, une promotion de grade acquise dans le corps des enseignants étant automatiquement répercutée dans le corps des attachés ou IGR.

Une négociation menée tambour battant pendant que s’exerçait le droit d’option des collègues

L’enjeu de la discussion dans le cadre de l’accord collectif était d’offrir un texte juridiquement contraignant  et stable dans le temps qui reprennent et approfondissent les premières garanties offertes dans le cadre des Lignes directrices de gestion pour l’administration centrale amendées au CTAC du 10/12/2021 (situation des enseignants p. 5).

Ainsi la discussion a également pu embarquer la question du réexamen indemnitaire systématique de l’ensemble des enseignants à l’occasion de leur détachement ou de leur intégration. Leur est ainsi garanti le moyen a minima de leur niveau indemnitaire et l’ajustement au minimum au plafond de gestion du corps d’accueil si celui-ci est supérieur à leur niveau indemnitaire actuel. Une possibilité de transfert d’une partie de leur prime de fin d’année sur l’IFSE (part mensuelle) est également possible si cette prime de fin d’année est jugée trop élevée par rapport à la prime versée mensuellement et si l’agent en fait la demande pour qu’elle soit soclée dans sa prime mensuelle. Enfin l’administration garantit un accompagnement des collègues enseignants qui souhaiteraient retourner devant élèves. Ainsi le retour dans le département d’origine pour les professeurs des écoles et dans l’académie d’origine pour les professeurs du second degré est garanti (et constitue une règle de gestion commune). Mais l’administration s’engage à accompagner également les enseignants qui souhaiteraient obtenir une autre académie ou un autre département à les accompagner en dehors du mouvement interacadémique ou départemental.

En revanche la discussion n’a pas permis d’obtenir  deux points défendus par la CGT : d’abord que les droits arrachés pour les enseignants préalablement affectés en administration centrale s’appliquent également à l’ensemble des nouveaux entrants et donc des enseignants accueillis par voie de détachement depuis la publication de la note de 2020. Elle n’a pas permis non plus que tous les enseignants bénéficient du forfait de revalorisation 2022 accordés dans les corps d’accueil (1500€ bruts annuels pour un AAE groupe 3).

Cette discussion devait aboutir au 22 avril, date du droit d’option des collègues. Un ultime groupe de travail le 20/04 a permis de clarifier les derniers points en discussion. Des allers-retours par mail hier ont stabilisé le texte signé enfin aujourd’hui. Vous trouverez le texte que la CGT a signé en PJ.

Au final un accord très largement majoritaire et un précédent pour le dialogue social

In fine, se sont engagés à signer l’accord : la CGT, la CFDT, l’UNSA, l’ASAMEN et le SNPTES. Seul le SNPMEN-FO n’a pas souhaité signer l’accord. C’est une vraie avancée pour nos collègues dont on ne peut que se féliciter !

Bien sûr, nous ne pouvons que déplorer dans cette affaire une longue absence de communication de l’administration vis-à-vis des collègues concernés et un coupon-réponse envoyé via une annexe d’une note de service aux chefs de service réellement anxiogène pour les collègues. Mais on doit malgré tout saluer les efforts faits par l’administration pour trouver une solution par le haut et stabiliser la situation des collègues ! Et on ne peut que se féliciter de l’engagement des organisations syndicales dans cette discussion !

Pour nous, la signature de cet accord est particulièrement importante. C’est un accord historique pour notre administration : une véritable première qui consacre le dialogue social ! Oui il est possible d’arracher de nouveaux droits qui protègent les agents dans le cadre de discussion au niveau de notre administration centrale et c’est une très bonne nouvelle ! Cette voie pourra être poursuivie sur d’autres thèmes et offrir de nouveaux droits à l’ensemble des collègues dans la future mandature. Quelques pistes sur laquelle la CGT souhaiterait avancer :

Chiche ?