Fiscalisation de la protection sociale : comprendre les enjeux de la hausse de la CSG

Emmanuel Macron a promis de baisser les cotisations salariales en échange d’une hausse de la CSG. Il présente habilement la suppression progressive des cotisations sociales comme des augmentations de salaires pour les salariés du privé et même pour les agents publics. Sauf que derrière la réforme technique, il y a des enjeux politiques forts ! Et que les agents publics ne vont rien y gagner…

  • La CSG qu’est-ce-que c’est ?

La CSG est une contribution sociale créée en 1990 pour « diversifier », mais aussi pour fiscaliser (passer de la cotisation à l’impôt), les sources de financement de la Sécurité sociale. De même, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) est de fait un impôt créé en 1996 pour combler les déficits de la Sécurité sociale. L’affectation suit le régime de cotisation et est traçable au centime près. La CSG est affectée :
– à la branche famille
– au fonds de solidarité vieillesse
– à la branche maladie de la Sécurité sociale
– à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie

Comme la CRDS, la CSG est prélevée directement sur les revenus du travail et du patrimoine des particuliers. La CSG concerne en effet, outre les revenus d’activité, les retraites et les revenus de remplacement (allocations chômage, indemnités journalières de maladie…), les revenus du patrimoine et placements (revenus fonciers, rentes viagères, valeurs mobilières…) et les sommes misées et redistribuées par les jeux. Mais la CSG met à contribution principalement les revenus du travail (± 70 % selon les années) et les pensions (18 % selon les années). Elle est prélevée à la source sur la plupart des revenus. Elle est recouvrée par l’Urssaf sur les revenus d’activité et par l’administration fiscale sur les revenus du patrimoine (déclaration de revenus). Le taux de CSG, même s’il proportionnel, varie selon le type de revenu de 7,5 % à 9,5 %.

  •   Arnaque pour les fonctionnaires ! Macron ne tient pas ses promesses

Les fonctionnaires ne sont pas concernés par la suppression des cotisations mais subiront la hausse de la CSG. Macron avait promis pendant sa campagne un coup de pouce pour les fonctionnaires : « près de 500 euros supplémentaires nets par an pour un salaire de 2 200 euros nets par mois ». Finalement, il n’y aura aucun gain de pouvoir d’achat pour les agents publics dans certains cas, les agents publics y perdront même. Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, a annoncé la mise en place d’une simple indemnité compensatrice, sans aucune garantie de pérennité à ce jour et surtout avec la certitude qu’à partir de 2020, l’indemnité ne compensera plus complètement la hausse de la CSG.

  • Transfert des cotisations sociales vers la CGS : attention danger !

Ne nous y trompons pas : réduire les cotisations sociales, c’est réduire le salaire socialisé et donc la prise en charge collective des services publics. La manœuvre du gouvernement consiste à faire peser le financement non plus sur les profits patronaux issus de la création de richesse (la cotisation), mais directement sur les salarié.e.s et retraité.e.s à travers la CSG qui est un quasi- impôt. Ce sont bien les cotisations des salarié-e-s prélevées pour financer la Sécu et l’indemnisation du chômage qui vont diminuer. Avec à terme des conséquences sur les prestations sociales: baisse des remboursements de frais de santé et diminution des indemnités chômage. C’est une attaque sur le salaire dit « socialisé »: le salaire brut étant une partie du salaire mise en commun pour financer les retraites, l’assurance maladie, l’assurance chômage. Transférer le coût de la baisse des cotisations sociales par une augmentation de la CSG n’est pas neutre politiquement.

  • Un changement total de conception des droits sociaux

La prestation sociale est un droit des salarié.e.s, une garantie assise sur leurs cotisations. La cotisation est en effet intimement liée à l’ouverture d’un droit (assurance maladie, chômage, droit à une pension de retraite). Mais surtout les cotisations sociales sont affectées obligatoirement à des caisses (retraite, santé, chômage) gérées de façon paritaire par les représentants des salarié.e.s et des employeur.ses. Les recettes collectées par l’impôt, comme la CSG, sont, elles, affectées librement par le gouvernement. Transférer le financement des caisses d’assurance sociale des cotisations vers l’impôt, c’est donc priver les salarié.e.s de leur droit de gestion et laisser les mains libres au gouvernement pour refonder complètement les prestations sociales – ou les détruire allègrement !
Ne nous y trompons pas : avec le transfert des cotisations sociales vers la CSG, le but est donc de réduire la solidarité et la prise en charge collective des risques. Exonération de cotisations sociales,  avec transfert sur la CSG : c’est la casse de la sécu par l’assèchement de son financement. A terme, cela peut très bien entraîner un transfert vers des assurances privées que tous ne pourront pas se payer. Voilà derrière les belles promesses de pouvoir d’achat, le réel projet du gouvernement.

L’exemple de l’assurance-chômage
Financée par des cotisations de salariés (et la contribution patronale), l’Unedic connait une gestion paritaire (moitié de représentants des salariés et moitié de représentants des patrons). Avec la suppression des cotisations, et en donnant un poids accru à la CSG, très proche d’un impôt, le gouvernement Macron donne à l’État un contrôle accru sur l’assurance-chômage. A terme, c’est bien la gestion paritaire qui pourrait être remise en cause, privant les salarié.e.s de leur mot à dire !