Comme vous le savez, la directrice générale de l’enseignement scolaire, Caroline Pascal a travaillé à un projet de réorganisation de la DGESCO qu’elle a annoncé en septembre dernier puis dont elle a présenté les grandes lignes à l’ensemble des agents lors du séminaire du 4 novembre 2025. Parallèlement, elle a rencontré les organisations syndicales à deux reprises, le 6 octobre puis le 14 novembre. La CGT vous a consulté autant que possible et profité de ces GT pour faire remonter vos retours auprès de la DGESCO qui a pris note des remarques, sans pour autant bouger d’un pouce son projet. En amont du CSA du 4 décembre qui devrait étudier formellement la réorganisation, nous vous proposons dans ce mail une mise en perspective de la réorganisation 2025 au prisme des enseignements de la réorganisation de 2019 ! Et nous sommes preneurs de toutes vos questions, impressions, témoignages d’ici là !
Manque d’autonomie, perte de sens, surcharge de travail : des problèmes jamais traités
- « 63% des répondants considèrent qu’ils ne disposent pas d’une marge de manœuvre acceptable en termes de gestion du temps. Un pourcentage qui culmine à 78% dans le cas des agents en position d’encadrement.
- 79% réponses positives à la question ‘J’ai le sentiment que mes compétences / savoir-faire pourraient être mieux exploités’
- Le manque d’autonomie indiqué par 41% des répondants est davantage souligné par les agents non-encadrants (avec 45%) que les encadrants (avec 32%)
- La lourdeur de la chaine de validation est répercutée par 80% des répondants et partagée de manière unanime par l’ensemble des agents, quels que soient la catégorie, le profil, l’âge : « Les délais de validation sont trop longs et contrastent avec l’urgence associée aux tâches demandées»
- 69% des répondants considèrent que la coopération inter équipes est insuffisante, tandis que 82% d’entre eux considèrent que le mode projet est trop peu répandu. Ces deux constats sont, de façon aisément compréhensible, davantage partagés par les catégories A et B. La nécessité d’évolution des modes de fonctionnement de la DGESCO, le souhait de déployer davantage le mode projet et l’envie d’une plus grande prise en compte de leurs compétences sont partagés de manière unanime par l’ensemble des agents répondants, tous segments confondus
- « La prise d’autonomie normalement inhérente à un poste de catégorie A est très insuffisante » : Le développement du mode projet (qui) semble incompatible avec le niveau actuel d’autonomie des agents et nécessite une refonte des représentations et des modes de management de l’encadrement supérieur
- Le manque d’information sur les dossiers structurant des autres bureaux, souligné par 83% des répondants, est néanmoins relativement atténué dès lors que les répondants sont des agents présents au sein de la DGESCO depuis « + de 10 ans » (avec 72%)
Ces citations résonnent très juste sur le fonctionnement de la DGESCO aujourd’hui… pourtant elles datent de l’enquête BGG /EY consulting de 2018, préalable à la réorganisation de 2019. Comme quoi, pas grand-chose n’a sans doute changé ! Ce sont également les constats de l’audit flash mené alors par l’IGESR sur la DGESCO à la demande du CHSCT. Là encore, la CGT ressort ses archives :
« Charge de travail et répartition
La surcharge et l’inégalité dans la distribution du travail restent un problème majeur malgré la réorganisation, avec des horaires trop étendus, des pauses insuffisantes et une difficulté à prioriser les dossiers. Les mesures de pilotage en mode projet n’ont pas permis d’améliorer la situation dans plusieurs sous-directions.
Autonomie et validation
Le manque d’autonomie, la lourdeur des circuits de validation, et des pratiques managériales souvent ressenties comme infantilisantes persistent. Les revendications de simplification des circuits et de reconnaissance des compétences n’ont reçu que peu d’effet concret depuis la réorganisation, comme le confirment les enquêtes et positions syndicales.
Relations professionnelles
La collaboration interservices et le décloisonnement restent limités ; les rivalités et le fonctionnement en silos dominent encore. La transversalité souhaitée n’a pas été atteinte, et les tensions persistent dans les rapports sociaux.
Reconnaissance et valorisation
Le sentiment de dévalorisation, d’absence de perspectives de progression, et de reconnaissance inadéquate est toujours très présent. La clarification des fiches de poste et la valorisation des parcours ne se sont pas traduites par une amélioration concrète dans la reconnaissance professionnelle.
Points d’alerte :
– Organigramme vs modes de travail
La réorganisation porte surtout sur l’organigramme, sans transformation effective des méthodes de travail ou amélioration concrète de l’autonomie et de la gestion administrative.
– Accompagnement et communication
La communication interne reste perçue comme trop formelle et les agents sont rarement intégrés dans les décisions, contrairement aux recommandations des audits précédents.
– Surcharge et tensions
La redistribution des missions n’a pas résolu la surcharge dans certaines équipes et pourrait empirer les tensions et le climat social, selon les retours d’enquêtes et les alertes syndicales. »
Ces constats nous les trouvons largement en 2025 quand on échange avec les agents de la DGESCO. Vous êtes nombreux à faire état de votre frustration à ne pas voir vos compétences reconnues à leur juste valeur, à ne pas avoir assez d’autonomie, à juger les délais de validation trop longs, à pointer un fonctionnement extrêmement hiérarchique et un management hyper descendant, parfois infantilisant. C’est d’autant plus problématique que beaucoup de collègues ont été recrutés à la DGESCO au titre d’une expertise forte et reconnue qui rend le sentiment de dévalorisation professionnelle en arrivant au ministère encore plus marquée. Vous pointez également la charge de travail, l’urgence des dossiers et de l’actualité qui empêche de prendre le temps de travailler les dossiers de fond ou de repenser les modes de travail. Et pour beaucoup, vous manquez de reconnaissance et faites état d’un travail qui trop souvent perd son sens alors même que vous êtes extrêmement attachés à vos missions. C’est ce qui remonte également dans l’enquête Conditions de travail 2024. Au-delà des questions de surcharge, de manque d’autonomie au travail, vous étiez l’année dernière, parmi les répondants au sein de la DGESCO, 36.5% à estimer que vous faites trop de tâches répétitives, 40% à estimer être parfois amené à faire des choses à l’encontre de vos valeurs personnelles et vous êtes 40.8% à appréhender parfois ou toujours à venir au travail. Peut-être que ce sont justement ces questions auxquelles la DGESCO devrait s’atteler plutôt que de proposer une nouvelle modification de l’organigramme !
C’est avec ces éléments que la CGT a resitué ses interventions et dénoncé pour trop d’agents une autonomie restreinte et sentiment d’infantilisation, responsabilité limitée et perte de sens dans le travail et parallèlement une surcharge de travail dans de nombreux bureaux. Au fond, la DGESCO en proposant une nouvelle révision de l’organigramme passe à côté de l’essentiel : ce sont les modes de travail et les conditions de travail des agents qu’il faut faire évoluer !
Des objectifs de lisibilité bien éloignés du vécu des agents et qui questionnent sur leur finalité politique
La réorganisation projetée, vous la connaissez. Elle n’impacte pas le service B et concernent les services A et C. Les missions du service A restent centrées sur l’action pédagogique du point de vue des élèves et des professeurs avec désormais trois sous-directions :
- Une sous direction A1 qui aura en charge l’action pédagogique dans les écoles, les collèges, les lycées généraux et technologiques ainsi que le suivi des évaluations nationales des élèves ;
- Une sous-direction A2 chargée de l’enseignement et de la formation professionnels et dont est sorti le bureau des lycées GT
- Une sous direction A3 anciennement rattachée au service C et qui regroupera l’innovation pédagogique, la formation des personnels enseignants et d’éducation ainsi que les contenus pédagogiques et les langues.
Le service C est centré sur la vie des élèves et des établissements et vise à la réussite de chaque élève en favorisant les meilleures conditions d’apprentissage pour chacun. Il comprend deux sous-directions :
- une nouvelle sous-direction C1 qui aura en charge les 4 parcours éducatifs : citoyenneté, santé, orientation et éducation artistique et culturelle et intègre notamment des missions qui étaient directement rattachées à la direction générale ;
- une sous-direction C2 dédiée à la vie des écoles et des établissements et qui aura en charge l’école inclusive, le climat scolaire, la réglementation et la vie des établissements ainsi que les partenariats et relations avec les associations.
Les motivations de cette réorganisation ? Elles sont principalement tournées vers les partenaires extérieurs, notamment les académies, pour rendre l’organigramme de la DGESCO « plus lisible et cohérent ». Elle se fait aussi et comme toujours (voir ci-dessous) au nom de davantage de transversalité, de collaboration inter-équipes et de cohérence. Mais derrière la rhétorique rassurante, les conditions réelles de travail des agents, leur autonomie et leur bien-être ne figurent toujours pas parmi les priorités de la direction.
Surtout nous nous interrogeons sur les motivations politiques de cette réforme et sur les effets d’affichage qu’elle provoque.
- Une marginalisation de l’enseignement professionnel ? La DGESCO a beau dire qu’il ne s’agit pas de stigmatiser ou marginaliser l’enseignement professionnel face aux filières GT qui seraient l’excellence oou le droit commun : l’affichage est désastreux. La filière professionnelle n’est plus traitée à égalité avec les lycées généraux et technologiques dont le bureau intègre la sous-direction A1. Certes il y a une cohérence de travail entre les bureaux en charge de l’enseignement professionnel qui sera mieux reconnue. Mais le message sur l’excellence de l’enseignement professionnel et de l’égale dignité entre les filières risque à avoir du mal à passer à l’extérieur au vu du nouvel organigramme… alors même qu’il est pensé vers l’extérieur ! A tout le moins le message renvoyé n’est pas particulièrement progressiste en matière de politiques scolaires !
- L’inclusion renvoyée aux marges ? Le bureau de l’école inclusive qui était auparavant au sein de la sous-direction A-1 et donc inséré pleinement dans une sous-direction des parcours scolaires est relégué au bout de l’organigramme dans la sous-direction C2. L’objectif du précédent positionnement était que les problématiques de l’inclusion scolaire infusent dans l’ensemble des parcours et soit vu comme du « droit commun ». Faut-il voir dans ce déplacement un renvoi de l’inclusion au « droit spécifique » ? Là encore le message n’est pas extrêmement progressiste. La future sous-direction C2 apparaît rassembler des entités dont les missions sont faiblement articulées. Faute d’une impulsion hiérarchique claire et d’un pilotage cohérent, cette configuration risque d’affaiblir la cohésion du service C dans son ensemble.
Le besoin de transversalité et le travail en mode projet ? Un air de déjà-vu : retour sur la réorganisation de 2019 –
Pour qui a un peu de mémoire en administration centrale, difficile de ne pas sourire (jaune) : en 2019 déjà, la précédente réorganisation invoquait la « transversalité », le besoin de coopération entre services et le développement du mode projet. On a ressorti là aussi nos archives !
« La Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO)]envisage de modifier son organisation interne pour améliorer son efficacité et mieux prendre en compte les nouveaux enjeux auxquels elle est confrontée.(…) Cette réorganisation poursuit quatre objectifs prioritaires :
Deux objectifs organisationnels
– développer l’approche transversale des dossiers et le pilotage des réformes en mode projet ;
– mieux répartir la charge de travail au sein de la direction et renforcer ainsi sa réactivité et la qualité de ses productions.
Deux objectifs de fond
– mieux intégrer la dimension territoriale dans la conception et la mise en œuvre de l’action éducative ;
– renforcer le suivi de la mise en œuvre des politiques pédagogiques et éducatives. »
Que faut-il comprendre ? Que six ans plus tard, la DGESCO n’est toujours pas parvenue à instaurer un fonctionnement réellement transversal ? Sans doute. Mais surtout les directeurs / directrices passent et leurs méthodes se ressemblent : ils pensent toujours par la structure et les organigrammes et ne modifient jamais vraiment les modes de travail. Déjà en 2019, les beaux discours sur le besoin de transversalité avait débouché sur un alourdissement de l’organigramme avec la création du service C. Aujourd’hui, on recommence à multiplier les sous-directions, sans tirer les leçons du passé. Ces réorganisations à répétition donnent le sentiment de ne jamais s’attaquer aux véritables causes de la démotivation et de la souffrance au travail des agents en ne se donnant pas les moyens de revenir sur l’organisation du travail.
La CGT a rappelé à l’occasion des GT ses revendications sur l’organisation du travail :
- Révision des circuits de validation : 3 signatures, c’est un maximum !
- Co-construction du programme d’activité (répartition des dossiers et définition des circuits de validation)
- Plan d’actions contre les tâches répétitives et les pics d’activité
- Mise en place d’un plan « chargés d’étude » pour réfléchir aux missions et à l’autonomie des agents
Retrouvez notamment notre tract Beyonce de 2022 sur la question de l’autonomie au travail
Lors du séminaire comme lors des échanges avec les organisations syndicales, Caroline Pascal s’est montrée à l’écoute. Mais son projet n’évolue pas. Sur les questions d’autonomie et de reconnaissance des agents, elle affirme que les préoccupations ont été entendues et qu’un travail s’engagera après la réorganisation au printemps. Mais les modalités de ce travail restent à définir ; elle évoque notamment des lettres de mission et des demandes ponctuelles de la DG, bien loin de nos revendications. Comme trop souvent, la direction affiche un dialogue de façade. La fameuse « porte toujours ouverte » de la directrice n’a jamais suffi à résoudre les problèmes structurels ! Cette réorganisation aurait pu être l’occasion d’une véritable consultation des personnels, elle a finalement été pensée par le haut et c’est bien un projet ficelé qui a été présenté, lors d’un séminaire obligatoire, où il s’agissait de convaincre les agents plutôt que les consulter !
La DGESCO a cependant pu nous assurer suite aux questions des OS :
- Pas de déménagement prévu à ce stade. Si le besoin se fait sentir à l’usage, cela se fera en concertation avec les agents.
- Pas de déconcentration de compétences en vue
- Pas de suppressions de postes non plus : au contraire la DGESCO va gagner plusieurs supports, dont 1 emploi fonctionnel (nouveau sous-directeur !) Comme quoi, quand on veut renforcer la hiérarchie, on trouve toujours des moyens…
Évidemment nous restons extrêmement vigilants sur tous ces points. N’hésitez pas à nous contacter pour tout complément en amont du CSA du 4 décembre.

