Madame la cheffe de service,
Vos services nous ont demandé de vous faire un retour en amont du CSA du 5 novembre sur la feuille de route pluriannuelle RH du SAAM. Nous vous remercions d’abord pour la concertation sur ce document et nous nous satisfaisons bien évidemment d’y voir apparaître des chantiers réclamés de longue date par les organisations syndicales ou qui correspondent à nos priorités syndicales comme :
- la mise en place d’un cadre de gestion des agents contractuels,
- la politique d’égalité entre les femmes et les hommes,
- la prise en compte des situations de handicap,
Sur ces sujets néanmoins, il ne suffit pas de les afficher pour que nous soyons toujours d’accord sur le contenu des actions menées mais le travail progresse et va, selon nous, dans le bon sens, même s’il reste très largement à approfondir ou à concrétiser au vu des retours du terrain (cf fiche RSST déposée sur la non prise en compte de la situation de handicap d’un agent de la DEPP).
Nous ne pouvons aussi que nous satisfaire que le déploiement de la GPEEC soit appelé à être généralisé ou que les questions de la sécurisation des processus de paie, la professionnalisation RH des différents acteurs et l’amélioration de la circulation de l’information et de la connaissance des process RH soit au cœur de l’action du SAAM et de la feuille de route RH de notre administration centrale.
Mais l’approche générale du document nous pose malgré tout un problème de fond comme nous avons pu le signaler lors des groupes de travail. Le projet de feuille de route RH a semble-t-il la volonté de proposer une approche « plus qualitative » des ressources humaines, notamment pour aspirations nouvelles et aux mutations du monde professionnel. Mais une grande partie des solutions proposées, outre la fiabilisation des dispositifs existants, repose en grande partie sur un plan de communication, marqué par des éléments de langage très formatés tels que la « marque employeur » ou la volonté d’« attirer les talents ». Sans mesures structurelles concrètes, ces concepts occultent des problématiques centrales de notre ministère. La feuille de route RH doit être un levier pour l’amélioration concrètes des conditions d’emploi et des conditions de travail des agents, seuls gages réels d’attractivité !
Il manque d’abord dans la feuille de route RH un volet salarial. Il n’est abordé que pour le référentiel des rémunérations des personnels contractuels. Bien sûr, vous nous objecterez que la question des salaires dans la fonction publique n’est malheureusement pas complètement à la main de vos services.
Il manque enfin un volet sur l’amélioration concrète des conditions de travail des agents qui n’est finalement abordée qu’en partie 3 sur la question de la prévention des risques et surtout au travers du chantier « Poiscaille » et des futurs aménagements du nouveau site Allende de Gentilly. Ce projet, massivement rejeté par les agents, représente pourtant, nous le savons tous, une perte d’attractivité pour notre administration centrale. Même abordé au travers de la question de l’évolution des modes d’encadrement et du développement de la culture du changement, il n’est pas un levier d’attractivité ! Et clairement ces questions d’évolutions des modes d’organisation du travail ne peuvent pas concerner uniquement les agents et services ayant vocation à rejoindre le futur site Allende.
- SUR LA QUESTION CENTRALE DES CONDITIONS DE TRAVAIL DES AGENTS
Dans ce volet, plusieurs chantiers soit d’ores et déjà lancés par le SAAM ou réclamés depuis longtemps pas la CGT pourraient être ajoutés à la feuille de route RH ou développées :
- La question de l’autonomie au travail et de la reconnaissance des compétences des agents
Notre administration centrale s’est recentrée sur des missions de pilotage et est aujourd’hui composée très majoritairement de personnels de catégorie A qui aspirent à davantage d’autonomie dans le travail, à la reconnaissance de leur expertise et de compétences mais aussi à trouver davantage de sens dans leurs missions – et les catégories B et C y aspirent évidemment aussi. Le fonctionnement très vertical et hiérarchique de notre administration centrale rentre largement en friction avec ses aspirations. La question de la charge de travail est aussi essentielle et n’est absolument pas traitée dans la feuille de route RH. La CGT a contribué à la réflexion sur la question de l’organisation du travail dans un message du 25 mars dernier qui est d’ailleurs resté sans suite dans lequel elle formulait diverses propositions :
- Revoir les circuits de validation : Il est nécessaire de déconcentrer dès que c’est possible et pertinent les validations pour raccourcir au maximum les circuits de validation et trouver le bon niveau de signature. La CGT rappelle sa revendication : « trois signatures, c’est un maximum ! » A ce titre, nous saluons le travail qui a été menée dans plusieurs directions parmi lesquelles la DAJ, la DGRH et la DGESIP. Il nous paraît essentiel qu’il soit mené sur l’ensemble des directions. Une impulsion du SAAM sur ce dossier dans le dialogue avec les directions serait un très bon signal.
- Mise en place d’un plan chargé d’études : sur le modèle du travail mené avec le plan managérial et sur les assistantes de direction, il nous paraît nécessaire de lancer des travaux similaires pour lutter contre le « blues du chargé d’études » (que nous dénoncions déjà en 2018 !) et notamment de clarifier les compétences attendues mais aussi et surtout le niveau de responsabilité du chargé d’études sur son champ d’expertise.
- Co-construction du programme d’activité : répartition des dossiers, révision régulière de la charge de travail au vu des urgences et du travail de fond à mener, actualisation du périmètre d’activités et des missions prises en charge par l’équipe
- Plan d’actions contre les tâches répétitives et d’anticipation des pics d’activité : inciter les directions à travailler au plus près des équipes sur ces deux axes essentiels
- Mise en place systématique de procédures claires de collaboration de travail avec les cabinets : les chartes de travail avec les cabinets doivent être systématisées à chaque nouveau cabinet et appliquées pour protéger les équipes des sollicitations directes, de la pression et de la surcharge de travail qui en résulte. Les chefs de service doivent veiller à systématiquement reformuler les demandes et les intégrer au plan de charge du service.
- La création d’un volant de remplaçants pour suppléer aux absences anticipables : notre récente plongée dans les archives de la CGT nous a permis de remettre la main sur une proposition de l’administration de 1982 qui pourrait être remise au goût du jour (et que nous tenons à votre disposition). Cette question des remplacements, notamment des congés maternité et parentaux, pourrait aussi être un levier d’égalité femmes / hommes sur le modèle du travail mené au sein de la DGE qui en fait une de ses actions en faveur du soutien à la parentalité. Ils peuvent aussi être pertinent pour les CLM, CGM et CLD. Le vivier des agents en instance d’affectation auquel rien n’est actuellement proposé pourrait alimenter ce volant de remplaçants mais il pourrait aussi s’agir d’agents en réflexion sur une reconversion et cherchant à découvrir d’autres secteurs d’activités au sein du ministère.
Nous avons bien noté qu’un travail sur les pratiques managériales avait commencé à être lancé notamment avec l’organisation des rencontres managériales le 13 octobre dernier. La CGT, comme elle a déjà eu l’occasion de le dire en formation spécialisée, regrette profondément que les organisations syndicales n’aient pas été consultées en amont sur le programme de ces rencontres, ni même invitées à y participer. Si un « kit d’animation du collectif de travail » est diffusé aux encadrants, il nous paraît nécessaire qu’il fasse l’objet d’une consultation avec les organisations syndicales.
- Le repérage en amont des situations RH sensibles ou à fort risque RPS :
Outre le chantier DUERP et sa déclinaison par service, la CGT vous a demandé la transmission des indicateurs de prévention des RPS par service, données nécessaires pour repérer les structures potentiellement pathogènes (voir PJ).
Vous aviez évoqué la mise en place d’une enquête auprès des sortants qui serait l’occasion d’une expression plus libre des agents. Nous profitons d’ailleurs de ce message pour vous transmettre le retour de notre collègue et ancienne élue CGT au CSA, Viviane Demay, qui est partie récemment en retraite et a transmis un retour d’expérience sur la DEPP particulièrement instructif. Vous le trouverez en PJ.
- La prise en charge effective des situations de souffrance individuelle et collective :
Le développement du pôle PAPD n’a finalement que partiellement pris en charge ces situations, il intervient plutôt en amont avec du coaching ou de la médiation. Nous sommes toujours en recherche d’un dispositif permettant une réaction rapide lorsque des situations de souffrance sont signalées, qu’il s’agisse de situations individuelles et collectives. Actuellement l’administration n’a pas de référent clairement identifié ni de process clair à proposer aux équipes ou aux agents. C’est un chantier sur lequel la CGT alerte depuis de nombreuses années !
- POINTS A COMPLETER
Parmi les 38 actions que compte la feuille de route RH, une grande partie va évidemment dans le bon sens et nous ne pouvons pas toutes les commenter. Plusieurs actions appellent cependant des précisions ou compléments.
Action 1.2.2 : Renforcer et outiller le réseau des RH de proximité : S’il s’agit bien dans ce point de la question de la professionnalisation du réseau dit anciennement des UGARH, la CGT est pleinement persuadée de la nécessité du chantier tant sont disparates les pratiques selon les directions. Un état des travaux menés par le SAAM sur le sujet nous paraît nécessaire car il impacte fort l’environnement de travail des agents et leur capacité à obtenir des réponses à leurs questions.
Action 1.2.6 : Mener une réflexion sur l’intégration de l’intelligence artificielle au service d’une RH de qualité : La CGT a bien conscience du développement de l’IA et des travaux menés notamment par la DGAFP et la DGRH sur le sujet mais ils restent encore balbutiant et nous souhaitons qu’un travail précis sur le cadre d’usage d’une IA en matière RH soit mené avec toutes les garanties nécessaires en matière de protection des données personnelles des agents et de maintien de postes mais aussi a contrario hausse de la pression et des exigences sur les gestionnaires : plusieurs études montrent en effet que le déploiement de l’IA n’allège pas toujours la charge de travail humaine et peut au contraire accroître la complexité des opérations réalisées par les gestionnaires.
Action 2.2.2 : Optimiser le recrutement : quid de la priorité accordée aux fonctionnaires ?
La CGT vous a récemment interpelée sur le sujet (voir PJ) de la priorité des fonctionnaires dans les recrutements. L’article L311-1 du Code général de la fonction publique rappelle que le recrutement de fonctionnaires doit rester la règle pour pourvoir les emplois permanents, même s’il permet le recrutement de contractuels dès lors que le besoin ne peut pas être pourvu par un titulaire. Cette règle a été largement confirmée par la jurisprudence. Si la CGT défend fermement les conditions d’emploi des agents contractuels en poste, elle entend aussi défendre la primauté du statut de la fonction publique. Il nous revient collectivement d’y travailler notamment en rappelant ces règles aux recruteurs. Nous demandons que le SAAM communique sur le sujet et forme notamment le réseau des UGARH : RH de proximité.
Action 2.2.3 : Constituer des viviers de candidats / et de candidates ?
La CGT vous a déjà demandé à de nombreuses reprises de travailler à la constitution de vivier d’agent·es qui seraient incitées à progresser dans leur carrière. Ce vivier pourrait être constitué de manière proactive par l’administration (ou sur volontariat) afin de lutter contre l’autocensure des femmes et le poids d’une répartition genrée des rôles dans la vie de famille et des stéréotypes des recruteurs. Là aussi nous pensons qu’un travail pourrait utilement être mené par le ministère en lien avec les organisations syndicales.
GPEEC et politique de formation : peut-être la question est-elle au cœur de votre feuille de route RH mais il y a pour la CGT urgence à lier développement des formations internes ou proposées dans le cadre du PAFAC et GPEEC. Le fait que des secteurs cardinaux de la filière administrative comme les domaines budget / finance, RH, juridique peinent à recruter des titulaires doit collectivement interroger notre accompagnement des agents. Ce point a souvent été abordé en groupe de travail ou instance. Se retrouve-t-il dans vos actions ?
Prévention du jeunisme / lutte contre l’âgisme : il nous paraît également important que l’administration mène une politique claire pour s’assurer que les agents avançant dans leur carrière puisse continuer à construire des parcours professionnels choisis, ascendant s’ils le souhaitent. La construction d’indicateur et une communication volontariste en la matière devrait apparaître dans la feuille de route RH.
Situation des agents en instance d’affectation : Notre administration a renoncé à affecter les agents et laisse une très forte liberté de recrutement aux directions et même finalement aux chefs de bureaux. Les collègues en instance d’affectation se retrouvent parfois dans des situations de détresse après avoir essuyé de trop nombreux refus de recrutement. L’administration doit mettre fin à sa politique de non affectation des agents en instance d’affectation et construire avec eux une affectation pérenne (et non des missions) correspondant à leur profil et aux besoins des services. Pour la CGT, il s’agit d’un chantier facile à mener car il concerne proportionnellement peu d’agents mais qui aurait des impacts humains immédiats et très forts.
Nombre de groupes de travail avec les organisations syndicales (indicateur p. 9 objectif 1.2) : la CGT s’étonne de cette approche comptable qui risquerait de continuer à multiplier les GT occupationnels qui pourraient n’être qu’affichage et non traduire un dialogue social constructif. Elle demande son retrait.
La CGT est à votre disposition pour échanger sur ces points et sera évidemment présente au CSA pour discuter la feuille de route RH.
