Programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail : les critiques de la CGT

Saisie du projet de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (PAPRIPACT) au sein d’un groupe de travail réuni par l’administration, la CGT n’a pu que constater les carences de fond et de forme d’un plan de prévention qui n’identifie pas les sources des risques professionnels. Partant elle n’ambitionne pas de traiter les problèmes à la racine.

LA CGT a répété ce qu’elle avait déjà dit lors d’un précédent GT (enfin d’une précédente consultation, dans GT, il y a travail et ici nous ne travaillons pas. L’administration donne les documents et les organisations syndicales réagissent avec un certain sentiment d’une perte de temps).

Les organisation de représentation du personnel ne disposent pas

  • d’une note méthodologique expliquant comment le DUERP a été renseigné par direction ou par service et si l’ensemble des données dont l’administration dispose a été versé dans ce document ?
  • d’un classement des risques identifiés en fonction de leur impact sur les domaines suivants (résultat du travail ; collectif de travail ; santé des agents)
  • d’une cotation selon le niveau de probabilité /fréquence (très fréquent/fréquent/peu fréquent/rare/très rare) et le niveau de gravité
  • d’un niveau de maîtrise du risque (maîtrise, à améliorer, non maîtrisé)
  • de la prise en compte de l’impact différencié de l’exposition au risque en fonction du genre en vue et définir les mesures nécessaires pour prévenir et remédier aux inégalités de genre relatives à la santé, la sécurité et aux conditions de travail.

    Ceci permet d’estimer l’impact des situations à risques (nombre de personnes concernées en fonction de leur type d’activité/alertes déjà signalées). Pour la CGT, sans ce travail de priorisation par direction (qui nous avait été annoncé et que la CGT ne voit pas ici dans les documents distribués), il est difficile de rédiger un programme de prévention

Dans la synthèse que l’administration a adressé aux organisations, sans surprise : 30% des risques relèvent des risques socio-organisationnels, parmi ces 404 entrées, 182 (soit 45%) concernent la rubrique « Temps de travail » et parmi ces 182, 55 occurrences concernent la surcharge de travail (30%).

Cependant, ces risques socio-organisationnels ne sont rattachés à aucun facteur susceptible de les avoir favorisés. Prenons ainsi la surcharge de travail. C’est une question récurrente qui concerne l’ensemble des directions de l’administration central, sans doute parce qu’elle est au cœur de l’organisation du travail. Et pourtant, la CGT n’ a pas trouvé pas dans le DUERP ce qui favorise cette surcharge de travail : rien sur les relations entre l’administration et le cabinet, rien sur l’impact des réformes successives, rien sur les conditions de déploiement de nouveaux logiciels de gestion par exemple. Comment l’administration peut-elle définir un programme de prévention des risques professionnels et d’ amélioration des conditions de travail si identifier les facteurs susceptibles de générer ces risques socio-organisationnels ?

De même comment l’administration compte-t-elle agir si elle ne dispose pas de mesures, de données objectivant les situations générant ces risques ? C’est le rapport de l’Inspection générale de l’Éducation, du sport et de la recherche (IGESR) d’octobre 2024 portant sur l’organisation du travail au sein de l’administration centrale qui pourtant pointe que la charge de travail n’est pas mesurée. Il ajoute : « Considérées comme chronophages ou inadaptées, les démarches pour objectiver cette charge n’ont pas abouti. Les demandes urgentes ou prioritaires, émanant notamment des cabinets, sont une source de déstabilisation de l’activité habituelle du service et devraient être mieux éclairées. De façon générale les agents disent vouloir plus de temps collectifs pour faire évoluer les modes de travail, réfléchir et anticiper les évolutions. »

Dans une synthèse récente rédigée par les auditrices et auditeurs du cycle des hautes études de l’éducation et de la formation (2024-2025) porté par l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation (IH2EF) et intitulée « Oser agir », on trouve ceci comme mesure de la course effrénée aux réformes : une modification du code de l’éducation tous les quinze jours en moyenne entre 2009 et 2023. Ce risque patent d’auto-asphyxie de l’administration a un impact direct sur les conditions de travail des agents de l’administration centrale qui ne cessent de se dégrader, comment pourrait-il en être autrement ? Comment s’étonner que, dans ce contexte, la majorité de nos collègues ne voient plus le sens ni l’utilité de leur travail ?

Aujourd’hui, il semble bien que l’administration ne maîtrise plus son agenda de travail, alors qu’il lui revient de protéger la santé des agents placés sous sa responsabilité. Or, le DUERP ne rend absolument pas compte de ce contexte

Toujours concernant le DUERP, La CGT ne dispose pas du document technique amiante, ni d’un document concernant l’évaluation du risque radon.

En conséquence de quoi, il nous semble que ce DUERP est incomplet, ne centralisant pas toutes les données chiffrées dont dispose l’administration, les alertes individuelles via les signalements des représentants du personnel, les fiches RSST, le nombre de médiations sollicitées/imposées, etc.

La CGT a martelé que la meilleure manière de prévenir les risques professionnels est d’appliquer la loi. Elle a fait référence particulièrement aux collègues qui, revenant de mobilité, de disponibilité de nature diverse ou de congés, sont après plusieurs mois toujours en attente d’affectation malgré de nombreuses démarches pour trouver un poste au sein des directions. Cette situation, que connait un certain nombre de collègues que nous accompagnons, affecte très souvent leur santé dans ses différentes dimensions. Et, c’est, au regard de vos obligations d’employeur et du statut de la fonction publique, parfaitement inacceptable. Nous vous rappelons que selon une jurisprudence constante, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.

Sur l’organisation de la F3SCT, la CGT a renouvelé ses exigences, estimant qu’  il ne suffit pas de mettre à disposition des rapports, ou d’actualiser le tableau de suivi des avis de la F3SCT.

La CGT souhaite notamment que la F3CST soit :

  • Réunie dans les plus brefs délais à la suite de tout accident ayant entrainé ou ayant pu entraîner des conséquences graves
  • Informée des motifs de refus de proposition d’aménagement de poste de travail
  • Associée à la préparation des actions de formation en santé et sécurité au travail

La CGT souhaite aussi que soit acté le principe d’une enquête par une délégation de la F3SCT, après chaque accident grave ou qui aurait pu l’être ou de chaque maladie professionnelle ou à caractère professionnel et informer l’instance des conclusions de l’enquête et des suites données

Elle réitère sa demande demande quant à la mise en place d’indicateurs visant à identifier les conditions de travail dégradées et la souffrance au travail par bureau ou si moins de 10 agents par sous-direction, à savoir :

  • Taux d’absentéisme pour raison de santé
  • Taux de rotation des agents
  • Taux de visite sur demande au médecin de prévention
  • Taux de violences sur agents

A lire les documents fournis, la CGT constate que souvent les actions de prévention se résument à des actions de communication (guides) et de formation.

Il ne suffit pas de rédiger des guides pour qu’ils soient appropriés par les destinataires. « Que prévoyez-vous comme temps sur le temps de travail pour que ces guides soient connus et appropriés par les collègues ? », ont demandé les représentant-e-s de la CGT. Ajoutant : « Nous vous signalons que les animations sur site ne sont pas aussi bien suivies qu’elles devraient parce que certains encadrants refusent de laisser leurs agents y assister. Il serait peut-être nécessaire qu’un rappel soit fait à qui de droit ».

Autres questions : quelle priorité est donnée à certaines formations par rapport à d’autres ? Quelle obligation et quelle sanction si les formations obligatoires ne sont pas suivies ? Quelle temporalité pour que ces formations soient renouvelées ? Quel accompagnement est proposé aux collègues quand ils sont mis en contact avec des situations de souffrance au travail ?

La cellule et les possibilités d’accompagnement relèvent de la prévention secondaire, quid de la prévention primaire dans vos propositions ?

Concernant l’amiante, l’administration a écrit qu’elle comptait envoyer un questionnaire d’exposition à l’amiante aux personnes en fin de carrière. La CGT s’est déclarée très étonnée pour ne pas dire choquée de cette proposition. En effet, il lui semble que l’administration doit consigner pour chaque agent une traçabilité des expositions individuelles à un ou plusieurs des dix facteurs de risques professionnels recensés par le code du travail, et au-delà des seuils fixés, y compris les seuils de pénibilité. Cette fiche individuelle doit être établie en cohérence avec l’évaluation des risques : elle est communiquée au médecin de prévention, elle complète le dossier médical en santé au travail de chaque agent exposé au-delà des seuils et précise de manière apparente et claire le droit pour tout agent de demander la rectification des informations contenus de ce document.

Cette obligation individuelle et collective s’impose d’autant plus dans le cas de l’amiante ou des rayonnements ionisants.

Cela signifie-t-il que l’administration ne sait pas combien d’agents ont été ou sont encore exposés ou à l’amiante et au radon ou risquent de l’être ? Combien ont un suivi médical à ce titre ? Pour sa gouverne, la CGT a renvoyé l’administration au guide de prévention écrit par le ministère de l’éducation nationale en 2019. Elle contient une fiche dédiée à ce sujet, intitulée « comment assurer le suivi de l’exposition des agents risquant d’être exposés à l’amiante ». Enfin, la CGT a estimé qu’il serait peut-être intéressant de construire un plan de prévention qui tienne compet à la fois des obligations de l’employeur telles qu’elles sont définies par l’article 2-1 du décret 82-453 mais aussi des obligations des agents découlant de l’article L. 4122.1 du code du travail lesquelles stipulent que « chaque travailleur a l’obligation de prendre soin de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celle des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions, dans la limite de ses connaissances et de ses compétences ».