Un article de Dan Israël dans Médiapart : La réforme des retraites, le révélateur des hauts salaires, montre les mécanismes qui vont conduire à la capitalisation.
Dans son projet, le gouvernement prévoit que les salariés ne cotisent plus pour leur retraite au-delà d’un salaire de 10 000 euros par mois. Un bouleversement qui ouvre grand la porte à la retraite par capitalisation et qui risque de poser de graves problèmes d’équité et d’équilibre financier du régime actuel.
« Pourtant, la réforme prévoit un bouleversement majeur. Dans le système actuel, les salariés cotisent sur leur salaire à environ 28 % pour la retraite (environ 17 % sont pris en charge par l’employeur et 11 % par le salarié). Et ce jusqu’à 324 000 euros brut de salaire annuel, soit 27 000 euros brut par mois. Au-delà de cette somme, les très hauts salaires continuent à cotiser, au taux de 2,3 % (1,9 % payé par l’employeur, 0,4 % par le salarié), mais sans que cela leur donne de droits supplémentaires pour la retraite. Il s’agit uniquement d’une participation au financement du système, sans droits en contrepartie. »
Une fausse solidarité
Dans le futur système, le gouvernement a décidé de baisser drastiquement le plafond de la cotisation commune à tous. Seuls les salaires allant jusqu’à 10 000 euros brut par mois seront concernés par la nouvelle cotisation de 28,12 %. Au-delà, la cotisation ne sera plus que de 2,8 % et elle sera non contributive (elle n’ouvrira pas de droits supplémentaires).
Le gouvernement et les députés de la majorité ont tendance à présenter cette cotisation non contributive comme un élément de « solidarité » que les plus riches devront payer. C’est une analyse très largement abusive : comme le martèle Christian Eckert, ex-secrétaire d’État au budget sous la présidence de François Hollande, « tous les cotisants, y compris les plus modestes », paieront en fait cette cotisation spécifique, sans acquérir de droits supplémentaires. »
Un manque à gagner qui provoquera du déficit
« Par rapport au système actuel, c’est une énorme baisse de cotisation pour les salaires entre 120 000 et 250 000 euros », résumait Thomas Piketty sur France Inter. C’est exact : selon une étude de l’Agirc-Arrco (qui gère les retraites complémentaires des salariés du privé), dévoilée notamment par la CGT, « près de 4,8 milliards en moyenne annuelle », soit « plus de 71 milliards d’euros » en une quinzaine d’années, ne seraient plus prélevés sur les salaires.
La montée en puissance de la capitalisation
« Mais qu’importe, le principal est peut-être ailleurs aux yeux du gouvernement : avec le plafond de cotisations fixé à 10 000 euros, les hauts cadres devraient se diriger dans leur immense majorité vers des systèmes de retraite par capitalisation, qui n’ont jusqu’ici jamais vraiment décollé en France. « L’exclusion subreptice des salariés fortunés de l’assurance vieillesse dont la réforme Macron se veut être l’occasion est ainsi le meilleur cheval de Troie pour la destruction programmée de la retraite par répartition », balance Jacques Rigaudiat.
Et cela tombe bien, la loi Pacte, adoptée au printemps 2019, prévoyait justement une plus grande défiscalisation des produits d’épargne retraite, qui ont été relookés dans la foulée. Une évolution à laquelle assistent avec plaisir les acteurs de ce marché potentiellement gigantesque, dont l’Américain BlackRock, premier gestionnaire d’actifs au monde, régulièrement reçu à l’Élysée. »
Retrouvez en lien l’intégralité de l’article de Mediapart de Dan Israel
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