Jour de carence : injuste, inefficace et insultant !

« Tout d’abord, si l’on examine de près la situation des salariés du privé, on s’aperçoit que les deux tiers d’entre eux sont couverts par des conventions collectives
qui prennent en charge les jours de carence. Donc, « en vrai », comme disent les enfants, la situation n’est pas aussi injuste que celle que vous décrivez ».
Emmanuel Macron, alors ministre de l’économie,
répondant à un sénateur de droite en 2015
.

Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des comptes publics, a annoncé jeudi 6 juillet le rétablissement du jour de carence pour les agents de la Fonction publique à partir de janvier 2018. Après l’annonce du gel du point d’indice, le gouvernement continue ses attaques sur les fonctionnaires ! Sommes-nous, agents publics, les variables d’ajustement du nouveau gouvernement ? C’est à croire que le gouvernement entend vraiment suivre une à une toutes les recommandations de la cour des comptes…

  • Une mesure injuste

Le rétablissement du jour de carence, annoncé le 6 juillet par le gouvernement, est motivé par un mensonge. Le gouvernement prétend fonder sa décision sur la volonté de corriger une supposée inégalité public-privé. Or, pour deux-tiers des salariés du privé, les trois jours de carence sont actuellement couverts par divers dispositifs (convention collective, accord d’entreprise,…) pris en charge par les employeurs. L’égalité dans ce domaine devrait en fait passer par un dispositif de couverture pour la minorité de salariés du privé qui aujourd’hui n’en bénéficient pas. Sous couvert de justice, c’est en réalité une mesure totalement idéologique visant à opposer les agents publics aux salariés du privé…

  • Une mesure inefficace

Les congés maladie ne sont pas plus fréquents en moyenne dans le secteur public : c’est ce qu’a démontré une étude de la DARES en 2013. Selon cette étude, entre 2003 et 2011, 3,9 % des fonctionnaires en moyenne ont été arrêtés pour maladie ou pour garder un enfant malade. Ce taux est de 3,7 % pour les salariés du privé en CDI depuis plus d’un an, mais il descend à 2,6 % pour les salariés à statut précaire. Ce sont donc la précarité de l’emploi et les conditions de travail, plus que le statut public ou privé de l’emploi, qui joueraient sur l’absentéisme. Faut-il souhaiter à tous les salariés de ne pas oser s’arrêter quand ils sont malades ?

L’instauration du jour de carence sous la présidence Sarkozy avait été totalement inefficace, comme Marylise Lebranchu, ministre de la fonction publique, l’avait bien démontré en 2013 : « Je constate que les effets sur l’absentéisme ne sont pas démontrés. Entre 2011 et 2012 : la proportion d’agents en arrêt court est passée de 1,2 % à 1 % à l’Etat, de 0,8 % à 0,7 % dans les hôpitaux et est restée stable, à 1,1 %, dans les collectivités. Et si, chez certains employeurs, le nombre d’arrêts a pu diminuer, on observe parallèlement un allongement de la durée des congés maladie. »

Les fonctionnaires et agents publics en maladie restent rémunérés directement par leur employeur et non par la Sécurité sociale : avec le jour de carence, l’Etat procède à une économie directe sur les salaires qu’il doit verser qu’il estime à peine à 400 million d’euros… Si le gouvernement cherche des gisements de revenus, on peut trouver mieux ! Le travail au noir représente 9 à 15 milliards par an de manque à gagner pour les comptes sociaux, soit davantage que la totalité des sommes versées au titre des indemnités journalières pour absence maladie… En voilà une piste intéressante…

  • Une mesure insultante

Enfin, ce jour de carence constitue une véritable insulte. Son instauration revient à considérer chaque malade comme suspect de fraude et donc, dans le doute, à le sanctionner d’office. Les médecins sont au passage considérés comme des pourvoyeurs d’arrêts de complaisance. Pourtant, les arrêts courts sont généralement le meilleurs moyen de prévenir des pathologies plus graves : le jour de carence va favoriser les retards de consultation et différer les prises en charge médicales. En terme de santé publique, c’est une mesure qui peut finir par coûter très cher…

En lieu et place de cette mesure stigmatisante, le gouvernement a la responsabilité de considérer et de traiter les causes réelles d’une grande partie des arrêts maladie dans la Fonction publique, à savoir la dégradation des conditions de travail et la souffrance générée par les politiques d’austérité.

  • 12 septembre : soyons prêts pour la riposte !

Cet énième mauvais coup porté aux garanties et droits sociaux est une raison supplémentaire de mener la riposte contre la politique antisociale du gouvernement. La journée de grève et de manifestations du 12 septembre doit à cet égard marquer une étape forte.

12_septembre